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Ennahdha continue de souffler le chaud et le froid, de dire la chose et son contraire et d'envoyer des signes contradictoires à ses partenaires du dialogue national. C'est la stratégie de l'écran de fumée...

Par Imed Bahri

C'est après deux mois de tergiversations que le parti islamiste a accepté d'intégrer les négociations pour le dialogue national sous la conduite du quartet d'organisations nationales (UGTT, Utica, Ordre des avocats, LTDH). Et s'il l'a intégré, c'est à reculons et en y mettant le moins de volonté et le plus de mauvaise foi possibles.

Un tango qui n'amuse plus personne

La première séance officielle du dialogue national, on le sait, devait avoir lieu jeudi dernier, or il n'en fut rien, à cause notamment des atermoiements d'Ennahdha et de ses manoeuvres dilatoires: un pas en avant, deux pas en arrière, dans un tango qui n'amuse plus personne et qui commence même à lasser les Tunisiens.

Le même jour, des «enfants» du parti islamiste, dirigeant des formations satellites (Imed Daimi, Mohamed Goumani...) se sont chargés de mener la charge, au cours d'une conférence de presse, contre le dialogue national, en recourant aux mêmes arguments utilisés par Ennahdha pour justifier leur refus initial de ce dialogue.

Difficile de croire, en effet, que MM Daïmi et Goumani n'étaient pas en service commandé par Ghannouchi & co., tant leurs positions antérieures ont toujours été en conformité avec les tactiques dilatoires du parti islamiste.

Samedi, les représentants d'Ennahdha aux négociations pour le dialogue national ont refusé la création d'une commission chargée d'étudier le processus de changement gouvernemental, tout en approuvant la mise en place des deux autres commissions chargées des processus constitutionnel et électoral.

Dans la soirée, Ali Larayedh, chef du gouvernement provisoire, est monté au créneau, dans un entretien à la chaîne nationale Watania 1, pour dire à peu près ceci : le gouvernement ne partira pas avant l'achèvement du processus constitutionnel et la mise en place des conditions de la tenue d'élections (ISIE, code électorale, etc.)

Cette position n'est-elle pas en nette contradiction avec les engagements d'Ennahdha qui, en signant la feuille de route du quartet, a accepté la démission du gouvernement dans un délai de 3 semaines après le démarrage de la première séance du dialogue national?

Le parti islamiste, on le sait, ne craint pas de se contredire tous les jours que Dieu fait.

Abdelhamid Jelassi, qui représente Ennahdha aux négociations et qui est donc tenu de respecter les engagements du mouvement islamiste, n'a pas hésité à se ranger derrière M. Larayedh: «Le gouvernement ne s'engagera à démissionner qu'après avoir clarifié les processus électoral et constitutionnel, fixé la date des élections et créé la Haute instance indépendante pour les élections (ISIE)», a-t-il déclaré aux médias. Et d'ajouter que son parti «a émis des réserves sur la formation de la commission du processus gouvernemental en raison de la situation générale dans le pays», qui requiert, selon lui, que le gouvernement actuel reste en place.

Entre volte-face et reniements

Quelqu'un a-t-il compris quelque chose à ces sorties qui ressemblent fort à des volte-face successifs et à des reniements d'engagements passés avec le quartet et les partis de l'opposition?

Il faut être vraiment aveugle pour ne pas y voir des manoeuvres dilatoires visant sinon à faire capoter le dialogue national, du moins à le faire durer le plus longtemps possible, de manière à permettre au parti islamiste d'imposer son contrôle définitif sur tous les appareils de l'Etat, et particulièrement sur les ministères de l'Intérieur et de la Justice, où l'opération de mainmise est déjà bien avancée, ainsi que sur l'administration et les entreprises publiques.

Les membres du quartet et les partis de l'opposition sont donc avertis: c'est eux qui perdront la face au regard des Tunisiens en se faisant, une nouvelle fois, rouler dans la farine par les Nahdhaouis.

Illustration: Ameur et Ali Larayedh, un pouvoir à deux têtes.