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Lotfi Guelmami n'a toujours pas retrouvé ses fonctions au ministère de l'Intérieur, malgré un verdict du tribunal administratif en sa faveur. Pour mettre fin à l'injustice, il a porté plainte contre l'ancien ministre de l'Intérieur Farhat Rajhi.

Par Imed Bahri

Lotfi Guelmami, diplômé des grandes écoles sécuritaires, est l'un des 42 cadres du ministère de l'Intérieur, accusés de fraude et de corruption et mis à la retraite forcée, le 2 février 2011, sur la base d'une liste signée par l'ex-ministre de l'Intérieur, le magistrat Farhat Rajhi.

Un cadre sécuritaire injustement limogé

Le problème c'est que l'intéressé, de par les fonctions qu'il avait été amené à assumer, n'a jamais fait partie des officiers ayant servi avec zèle l'ancien régime. Son nom s'est retrouvé sur la maudite liste en raison d'une malencontreuse homonymie. Et ceux qui, dans l'entourage de Farhat Rajhi, ont dicté à l'ancien ministre de l'Intérieur les noms contenus dans la liste, n'étaient pas sans savoir. Ils l'ont donc fait sciemment dans le but de protéger l'un de leurs collègues... aux dépens d'un autre.

Conséquence: Lotfi Guelmami est injustement limogé et mis à la retraite forcée. S'il perçoit sa pension de retraite, à même pas 50 ans, l'homme a de bonnes raisons d'en être malheureux. D'abord pour l'injustice qui le frappe. Ensuite pour l'image de corrompu, lié à l'ancien régime, qu'on lui a collée, et qui est difficile à assumer au regard de son épouse, de ses 5 enfants et de tous les membres de sa famille.

Cette situation est d'autant plus insupportable qu'elle est subie comme un châtiment injuste par l'ancien cadre sécuritaire, qui se sent broyé par une machine administrative impitoyable. Car malgré toutes les démarches qu'il a entreprises pour faire réparer l'erreur, l'indifférence des responsables du gouvernement à son égard s'est poursuivie.

Désespéré par une administration sourde et muette, le colonel Guelmami s'est alors tourné vers la justice. La 6e chambre du Tribunal administratif de Tunis a émis, le 12 juillet 2012, un jugement en première instance annulant la décision de l'ex-ministre de l'Intérieur et ordonnant, par conséquent, la réintégration de l'intéressé dans ses fonctions antérieures. Le jugement a d'ailleurs été confirmé en appel, le 22 avril 2013. Estimant que le limogeage du colonel Guelmami était abusif, le Tribunal administratif a même condamné le ministère de l'Intérieur à s'acquitter de tous les frais occasionnés par le procès.

Réparer une injustice flagrante

Pourtant, à ce jour, l'ex-officier n'a toujours pas recouvré ses droits, malgré la médiatisation de son affaire et les nombreuses requêtes reçues par l'Assemblée nationale constituante (ANC) lui demandant d'intervenir auprès du gouvernement pour aider à la réhabilitation de l'homme et à la réparation de l'injustice flagrante le frappant. En vain...

Aux dernières nouvelles, c'est au niveau de la présidence du gouvernement que la décision de réhabilitation du colonel Guelmami est bloquée. Et c'est, dit-on, le chef du gouvernement Ali Larayedh qui s'y opposerait, craignant l'effet dominos que provoquerait la multiplication de demandes de réhabilitation émanant de hauts cadres de l'administration (magistrats, hauts cadres sécuritaires ou directeurs généraux) limogés au lendemain de la révolution.

Face au mutisme du gouvernement, le colonel Guelmami a décidé de passer à l'attaque, en portant plainte contre l'ex-ministre de l'Intérieur Farhat Rajhi, principal responsable de sa descente aux enfers.

La plainte a été déposée le 23 avril 2013 auprès du procureur de la république auprès du tribunal de première instance de Tunis. L'ex-ministre devrait donc être entendu incessamment par le juge.

Le colonel Guelmami reproche à Farhat Rajhi d'avoir porté atteinte à sa réputation et à celle d'autres cadres sécuritaires dans le but de se donner lui-même une image d'«homme propre». Il rappelle, à cet égard, les nombreux passages de l'ex-ministre dans les médias audio-visuels et ses déclarations, où, pour parfaire son image d'homme intègre, briguant la présidence de la république, il accusait les 42 cadres sécuritaires limogés de tous les maux du pays sous le règne de Ben Ali, sans se soucier du mal qu'il causait à ceux d'entre eux qui étaient innocents, dont le colonel Guelmami, qu'il donnait ainsi en pâture à la vindicte populaire.

L'ancien cadre sécuritaire accuse aussi M. Rajhi de dilapider l'argent public en décidant d'accorder une retraite forcée à des agents de l'Etat qui, comme le colonel Guelmami, sont en pleine force de l'âge et ne demandent qu'à travailler et à rendre service aux contribuables, en contrepartie de l'argent qu'ils perçoivent à la fin de chaque mois.

«Dans certains de ses passages télévisés, M. Rajhi m'a attribué des faits erronés et lancé contre moi de fausses accusations, utilisant des qualificatifs dégradants, sans se soucier des conséquences que cela pouvait avoir sur ma réputation et celle de ma famille», dit M. Guelmami, qui espère que la justice lui donnera encore une fois raison et que l'administration sécuritaire finira par rouvrir ses bras à l'un de ses enfants qui n'a pas mérité d'en être injustement exclu.

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