Lors d'une rencontre improvisée, des dirigeants de l'opposition et des responsables des syndicats de sûreté dénoncent le manque de volonté claire du gouvernement de lutter contre le terrorisme, qui menace de mettre la Tunisie à feu et à sang.
Par Yüsra N. M'hiri
Le Parti républicain, soutenu par le Parti du travail patriotique et démocratique, le Parti socialiste, Al Watad et le Mouvement du Peuple, a organisé, aujourd'hui, une manifestation en soutien aux forces sécuritaires tunisiennes suite aux évènements de Goubellat, ayant causé la mort de deux agents de la garde nationale.
A cette occasion, des leaders politiques de l'opposition, notamment Ahmed Nejib Chebbi, Maya Jeribi, Zied Lakhdhar et Abderrazek Hammami, se sont rendus au siège de l'Union nationale des syndicats des forces de sécurité tunisiennes (UNSFST), afin de présenter leurs condoléances aux dirigeants du syndicat et leur exprimer leur solidarité agissante et leur soutien.
Issam Chebbi (Parti républicain) au cours d'une manifestation de soutien aux forces de l'ordre devant le ministère de l'Intérieur, vendredi 18 octobre.
Soutien aux forces de l'ordre et appui à leurs doléances
Les plupart des dirigeants de l'Union syndicale étaient présents, à l'exception de Montassar Matri, le secrétaire général, empêché par un décès familial.
Ahmed Nejib Chebbi a exprimé la volonté des dirigeants des partis de l'opposition de soutenir les forces de l'ordre et de défendre leurs doléances auprès des autorités.
Aux déclarations des agents de l'ordre qui se sont plaints d'être considérés comme des citoyens de seconde zone, le leader d'Al-Jomhouri a répondu: «Nous sommes venus vous faire part de nos condoléances et vous dire que vous êtes des citoyens à part entière. C'est vous qui défendez le peuple, le drapeau et la patrie, et nous vous en sommes tous reconnaissants», suscitant une grande émotion dans la salle.
Un syndicaliste a ensuite pris la parole pour s'indigner de la situation sécuritaire en Tunisie et de la «tolérance» montrée par le parti islamiste Ennahdha (au pouvoir) vis-à-vis des réseaux terroristes. «Ils mettent nos vies en danger, nous utilisent comme un bouclier et provoquent ainsi la terreur parmi la population. Lorsque, il y a plus d'un an, nous avions alerté le gouvernement de la menace terroriste, on nous a pratiquement ri au nez», a-t-il déploré.
Les dirigeants de l'UNSFST, l'air grave, sont peu rassurés eux-mêmes. Ils semblent même très pessimistes, craignant de nouvelles attaques terroristes contre les forces de l'ordre ou même des attentats dans des lieux publics. «Nous sommes sur le terrain. Nous savons ce qui se passe et il est clair que le terrorisme n'est plus simplement une menace en Tunisie, puisqu'il est devenu une réalité», dit l'un d'eux.
Après la manif, Issam et Néjib Chebbi, Zied Lakdhar et leurs camarades se dirigent vers le siège du syndicat des forces de sécurité.
Evoquant la découverte de nombreuses caches d'armes et ateliers de fabrication d'explosifs dans plusieurs régions du pays, les dirigeants des syndicats des forces de sûreté se posent des questions sur les activités de certaines associations religieuses, caritatives ou de prédication qui disposent de fonds importants dont on ne sait pas la provenance. Et si une partie de ces fonds finançait l'achat d'armes et la fabrication d'explosifs?, se demandent-ils.
La stabilité du pays est menacée
Des cellules terroristes ont pris le temps de s'implanter dans plusieurs gouvernorats, alors que la Brigade antiterroriste (BAT) manque d'équipements et que le gouvernement ne semble pas accorder l'importance requise à ce grave problème qui menace la stabilité même du pays et la pérennité de l'Etat.
Les responsables du syndicat de la sûreté expliquent aussi que les groupes armés en Libye sont loin d'être sous-contrôle et que, depuis ce pays voisin, des associations soutiennent les réseaux terroristes en Tunisie, notamment Ansar Chariâ.
«Nous sommes en état de guerre dans le plein sens du terme. Les terroristes disposent d'armes très sophistiquées que même les forces de sécurité n'ont pas», confient-ils, avant d'appeler les dirigeants des partis politiques et les acteurs de la société civile à consolider l'unité nationale et à contribuer à la lutte contre le terrorisme.
Les terroristes prennent pour cible les forces sécuritaires pour que celles-ci prennent peur ou paniquent et leur laissent le champ libre pour s'installer dans les villes, expliquent-ils.
Les dirigeants de l'opposition rendent visite aux responsables des syndicats des forces de l'ordre.
«Cela dit, la Tunisie ne connaitra pas le bain de sang que certains lui prédisent, car notre amour pour la patrie est immense, ainsi que notre foi dans la justesse de notre combat et notre détermination à le vaincre le terrorisme», expliquent-ils.
«On vous rassure: notre union sacrée nous aidera à reprendre en main la destinée de notre Tunisie, la Tunisie de toujours, celle de l'amour et de la paix», répond Ahmed Nejib Chebbi.
Zied Lakhdhar rappelle, de son côté, que le Front populaire a été la cible d'assassinats politiques perpétrés par des islamistes extrémistes, ajoutant que ses camarades se joignent au mouvement avec foi et ferveur. «Si Ennahdha avait combattu le terrorisme contre lequel il avait été pourtant averti et si les ''sportifs''* d'Ali Larayedh avaient été traqués, on n'en serait pas là, aujourd'hui, à parler de terrorisme», a-t-il lancé. Et d'ajouter : «Aujourd'hui nous sommes dans une situation de crise. On doit en sortir le plus rapidement possible. Et c'est main dans la main que nous réussirons».
Note:
* - Il y a an, lorsque des médias ont parlé de groupes terroristes qui s'entraînaient dans des zones montagneuses au nord-ouest du pays, les services de M. Larayedh, alors ministre de l'Intérieur, avaient déclaré que les médias exagéraient et qu'il s'agissait plutôt de sportifs qui faisaient des exercices physiques (sic!)