C’est surréaliste et, surtout, écœurant. Bibi, une Pakistanaise de 18 ans, a été condamnée par un tribunal tribal… à un viol collectif. Pis: la sentence a été exécutée. Qui plus est, en public…


L’information, relayée par des agences de presse et des organisations de défense des droits de l’homme, a quelque chose d’intemporel, d’anachronique, et même  d’irréel. Elle semble émerger des obscurités de la préhistoire.
Au-delà de l’invraisemblance de la sanction qu’on lui a infligée, quel crime a donc commis Bibi? En vérité, la pauvre fille n’a absolument rien fait. Le tribunal tribal, qui a prononcé cette terrible sentence, reproche au frère cadet de Bibi, âgé de seulement 11 ans, d’avoir adressé la parole (ô sacrilège !) à l’une des filles de la tribu des Massuti, alors qu’il appartient à une autre tribu de moindre prestige, les Ghujar.
Le père des deux enfants, Ghulam Farid, 54 ans, a eu beau implorer l’indulgence des membres du tribunal, invoquer l’âge de son fils pour expliquer son imprudence et implorer les membres de la tribu des Massuti d’épargner à sa fille une telle humiliation. En vain.
Bibi a finalement été ramenée de force à la place du village Mirwala, exhibée sur une estrade comme une bête curieuse, ses vêtements déchirées, son corps chétif dénudé devant plus d’un millier de personnes, y compris son propre père, obligé de s’assoir au premier rang des «spectateurs», avant d’être violée par quatre hommes, membres du tribunal auteur de l’ignoble sentence.
La jeune fille, qui grelottait de peur et de froid, a dû subir les assauts des quatre hommes, une demi-heure durant, avant d’être renvoyée chez elle, toute nue, poursuivie par la risée des badauds.

pakistan femmes

Inutile d’expliquer ici que les auteurs de cet ignoble acte de vengeance pour un soi-disant crime d’honneur sont des musulmans. Inutile aussi de souligner que leur «crime» n’a rien à voir avec la religion islamique, car il se fonde surtout sur  certaines pratiques ancestrales, antérieures à l’Islam.
Cependant, cette précision étant faite, on doit admettre que la pratique de la vengeance pour crime d’honneur existe dans de nombreux pays islamiques, et pas seulement au Pakistan et en Afghanistan, où elle prend souvent un aspect quasiment primitif. Elle existe dans certains du Moyen-Orient, où elle survit à l’évolution des mœurs. Aussi, et en tant que musulmans, devrions- nous la condamner ouvertement et de manière définitive, et œuvrer pour y mettre fin, par la sensibilisation, la pédagogie, mais aussi par la sanction de la loi.
Car ce qui est écœurant, par-dessus tout, dans la douloureuse histoire de Bibi, c’est que les autorités locales étaient au courant de l’ignoble sentence et de la détermination du tribunal tribal à l’exécuter, mais elles ont préféré fermer les yeux et boucher les oreilles, et laisser faire, de peur de heurter des traditions d’un autre âge et se mettre ainsi les tribus sur le dos.
Si les autorités locales, pour des raisons diverses, liées notamment à leurs accointances avec certains leaders tribaux, préfèrent éviter toute confrontation avec ces derniers, fut-ce pour défendre la justice et imposer la loi, c’est aux autorités centrales que revient la devoir d’intervenir de manière ferme pour mettre fin à certaines pratiques barbares, comme celles dont a été victime Bibi. Et dont sont victimes des dizaines d’autres femmes, dont les cas sont relatés à longueur d’année par les organisations de défense des droits de l’homme.

Y. M.