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Une manifestation et des funérailles symboliques en hommage aux martyrs de la garde nationale ont été organisées, lundi, à l'avenue Habib Bourguiba, à Tunis, par le Syndicat national des forces de sûreté intérieure (SNFSI).

Par Yüsra N. M'hiri

Les forces de l'ordre, soutenues par les citoyens, venus en grand nombre exprimer leur solidarité aux gardiens de la république, ont défilé sur l'avenue centrale de la capitale, en promettant de continuer de se battre pour le maintien de stabilité et de la paix en Tunisie.

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Les parents des agents tués par les terroristes montrent les photos de leurs défunts fils.

Des obsèques symboliques mais solennelles

La marche était organisée pour protester contre la montée du terrorisme en Tunisie et pour condamner les sanglantes tueries qui ont récemment ébranlé le pays, touchant de plein fouet le corps sécuritaire.

Citoyens, policiers, responsables des syndicats de la sûreté et familles des martyrs se sont rassemblés par centaines, vers 10 heures, devant me ministère de l'Intérieur. Les manifestants étaient mêlés, policiers et citoyens, tenant ensemble à bout de bras des banderoles appelant à une police républicaine et des pancartes à la mémoire des martyrs.

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Les responsables des syndicats des forces de sûreté s'engagent à combattre le terrorisme et ceux qui le soutiennent.

Les agents de sécurité transportaient un cercueil en guise de funérailles symboliques auxquelles la présence d'agents en uniformes authentiques a conféré, tout de même, un caractère solennel.

La Fatiha (premier verset du Coran) a été récitée, comme dans les obsèques réelles, par les centaines de personnes qui se trouvaient à l'avenue Bourguiba. Des «Allahou Akbar» (Dieu est grand) accompagnaient les incantations à la mémoire des martyrs. Puis les présents ont prié Dieu de protéger le pays des terroristes, de donner force et courage aux agents de l'ordre pour qu'ils protègent les citoyens et la patrie.

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Citoyens et agents de l'ordre main dans la main pour combattre le terrorisme.

Après la défiance réciproque, l'union sacrée?

Après «l'enterrement», les manifestants ont repris leur marche, en entonnant l'hymne national. Avides de liberté, de paix et de justice, citoyens et policiers reprenaient en chœur les couplets menaçant de vengeance les ennemis de la Tunisie et promettant la paix à ceux qui récusent la violence.

Du haut du balcon du siège de la SNFSI, des policiers lançaient des roses aux manifestants, qui les acclamaient, et les remerciaient pour la protection qu'ils leur offraient, en risquant leur vie. Les manifestants criaient : «Nous sacrifierons nos vies pour vous, forces de l'ordre», qui leur répondaient: «Nous sacrifierons nos vies pour toi peuple», dans une sorte de fusion presque irréelle, tant l'incompréhension et la méfiance était jusqu'à récemment le caractère marquant des relations entre les citoyens et la police.

Il y avait de l'émotion dans l'air, et il y eut même quelques larmes écrasées. Pourvu que cette réconciliation soit durable, donc fondée sur la raison et l'intérêt général.

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Les dirigeants des syndicats des forces de sûreté jettent des roses sur les manifestants.

Les loups des LPR pointent leur nez

Des membres des Ligues de la protection de la révolution (LPR), ces milices proches d'Ennahdha, ne pouvaient rater l'occasion de faire parler d'eux. Ils rodaient autour des manifestants et leur lançaient des pics assassines du genre: «Vous n'êtes que des lèches-bottes. Des orphelins de Ben Ali, allez au diable!» et autres amabilités du même genre qui ne s'interdisaient pas quelques gros mots.

Les policiers, qui assuraient la protection des manifestants, ont dû intervenir à chaque fois rapidement afin d'éviter que ces échanges peu aimables ne dégénèrent en violence. Il y a eu cependant une altercation lorsque une certaine Meriem Debi, porte-parole du mouvement Sawaêd (littéralement: bras), a tenu un discours hostile aux agents de l'ordre qui a offusqué une partie des manifestants. Le choc était inévitable. Un membre des LPR a donné un coup de poing au visage d'un homme d'un certain âge. Il s'est fait aussitôt arrêter, ainsi que Mme Debi. On apprendra, par la suite, qu'elle a été relâchée...

Les familles des martyrs en colère contre Ennahdha

Les familles des martyrs étaient, on l'imagine, chaudement acclamées et accueillies avec des youyous de victoire. «Vos enfants ne sont pas morts; nous leur rendons hommage, c'est votre fierté, et c'est aussi la nôtre», leur lançaient les manifestants, la gorge tout de même nouée par l'émotion.

Des jeunes amis de martyrs, volontaires et exaltés, ont proposé d'aider les forces de l'ordre dans leur combat contre le terrorisme: «Nous sommes disponibles pour aller sur le terrain, défendre notre pays et chasser le terrorisme de nos terres. Nous les combattrons par la plume, l'art, la culture, et s'il le faut, nous porterons des armes pour préserver notre liberté dans une Tunisie en paix», disent-ils.

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Agents de l'ordre et citoyens lèvent le signe de la victoire contre le terrorisme.

Malgré l'émotion et les larmes, les parents des martyrs de la nation n'ont pas oublié leur colère et leur haine envers les dirigeants d'Ennahdha: «Puisse Dieu les punir, ils sont responsables de la mort de nos enfants. Se taire aujourd'hui c'est être complice avec ce gouvernement terroriste», a lancé le père de l'agent de la garde nationale, l'officier Imed Hizi, tué le 23 octobre par un groupe terroriste dans une embuscade à Ounaissia, près Sidi Ali Ben Oun. «Ils veulent nous éliminer un par un; révoltons-nous, les enfants, pour que le sang de mon fils et de ses camarades n'ait pas été versé en vain», a-t-il ajouté.

La marche des agents de l'ordre et des citoyens contre le terrorisme constitue un tournant important dans la transition politique en Tunisie. Les agitateurs pro-Ennahdha, venus perturber l'événement, ne se sont donc pas trompés : cette réconciliation, le parti islamiste s'est employé jusque-là à l'empêcher en remontant les uns contre les autres.

Souvenons-nous des violences infligées par la police aux manifestants un certain 9 avril 2012, ou encore les tirs de grenadines contre les manifestants à Siliana, entre autres événements douloureux. Tout cela semble déjà oublié. L'heure est à l'union sacrée face au terrorisme et aux intégristes religieux qui en ont fait le lit et l'ont encouragé à s'implanter dans le pays.