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Les Tunisiens en ont marre de leurs dirigeants politiques, plus magouilleurs qu'hommes d'Etat, mettant les intérêts de leurs partis au-dessus de ceux des citoyens, et qui sont en train de pousser le pays vers une banqueroute annoncée.

Par Ridha Kéfi

Les protagonistes du dialogue national ont échoué lundi soir à désigner le nom du prochain chef du gouvernement. Cet échec était prévisible et Ennahdha, qui ne veut lâcher aucune parcelle de pouvoir, y est pour beaucoup.

Les islamistes, qui sont passés maîtres dans l'art du double langage, de la duplicité et du mensonge drapé dans les bons sentiments, ont montré encore une fois qu'ils savent transformer une déroute politique en une nouvelle victoire sur leurs opposants.

Ennahdha revigoré après chaque assassinat politique 

On en a déjà fait l'expérience au lendemain de l'assassinat du dirigeant de l'opposition Chokri Belaïd, le 6 février dernier, par des extrémistes religieux dont les affinités avec Ennahdha sont un secret de polichinelle. Les Nahdhoauis ont su, par un tour de passe-passe de Hamadi Jebali, rouler l'opposition dans la farine et se remettre en selle, en mettant même au Palais de la Kasbah un chef de gouvernement encore plus despotique que son prédécesseur. Ali Larayedh, très mauvais ministre de l'Intérieur bombardé chef de gouvernement provisoire, a accéléré la mainmise d'Ennahdha sur tous les rouages de l'Etat et de l'administration publique, tout en laissant l'économie aller à vau-l'eau.

Inspiré par ce succès inespéré, Ennahdha vient de refaire exactement le même coup à l'opposition avec l'échec annoncé du dialogue national : une véritable mascarade à laquelle le Front du salut national (FSN), réunissant la plupart des partis de l'opposition, a participé, perdant du coup toute crédibilité aux yeux des Tunisiens.

Pourtant, après la crise déclenchée par l'assassinat du député de l'opposition Mohamed Brahmi, le 25 juillet dernier, par des extrémistes religieux dont les affinités avec Ennahdha commencent à être révélées, les islamistes ont passé un très mauvais quart d'heure. Les mobilisations citoyennes qui ont suivi ont beaucoup déstabilisé Ennahdha et le gouvernement Larayedh a été mis sous une très forte pression, mais le «coup» du dialogue national, dans lequel Ennahdha est entré à reculons, n'a eu finalement pour résultat que de revigorer le parti islamiste et ses alliés (et obligés) de la Troïka, diviser davantage l'opposition et lui révéler son inanité, son amateurisme et, surtout, son impuissance.

C'est bien joué, mais c'est encore une fois la Tunisie qui a perdu.

Une élite qui se délite

Dans cette histoire de transition politique qui n'en finit pas d'être reportée aux calendes grecques, ce sont en effet les citoyens tunisiens qui commencent à se lasser, et d'abord de leur élite politique, toutes tendances confondues, avec ses égos exacerbés, son incompétence crasse, sa petitesse et son incurie.

Les Tunisiens en ont marre de ces dirigeants politiques, plus magouilleurs qu'hommes d'Etat, mettant les intérêts de leurs partis au-dessus de ceux des citoyens, et qui sont en train de pousser le pays vers une banqueroute annoncée.

S'ils aiment vraiment leur pays et s'ils veulent vraiment le sauver, les Tunisiens, et surtout les Tunisiennes, devraient cesser d'attendre le salut de ceux qui n'ont que leur égoïsme et leur orgueil à faire valoir.

La révolution, confisquée, est encore à faire... Contre cette élite, éculée et vieillote, sentant la naphtaline, et qui n'a plus rien à donner...