Le ministère de l'Intérieur dément les accusations de dissimulation de preuves dans l'affaire d'assassinat de Chokri Belaïd et menace de porter plainte contre quiconque «lance de fausses accusations contre de l'institution sécuritaire».
Par Yüsra N. Nemlaghi
Hier, les membres de l'Instance pour la recherche de la vérité sur les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi (IRVA) et le Comité de défense du martyr Chokri Belaid ont tenu une conférence de presse au cours de laquelle ils ont accusé de hauts cadres du ministère de l'Intérieur d'avoir dissimulé des preuves au juge d'instruction chargé d'enquêter sur les deux assassinats politiques, menaçant de porter plainte contre les auteurs de cette dissimulation de preuves en citant nommément les personnes concernées.
A propos du pistolet Beretta
Les membres de l'IRVA ont notamment souligné que le pistolet Beretta utilisé dans les deux assassinats est largement utilisé par les forces de sécurité tunisiennes. Et de s'étonner du fait que les cadres du ministère de l'Intérieur aient omis de remettre au juge d'instruction le rapport balistique relatif à cette arme, qui leur avait été envoyé depuis le 29 mai par leurs homologues des Pays-Bas.
L'arme ayant servi à l'assassinat de Chokri Belaïd et de Mohamed Brahmi est certes un pistolet Beretta, comme l'a indiqué le rapport balistique réalisé aux Pays-Bas, mais il n'est pas du même calibre que celui utilisé par les forces de sécurité tunisiennes (9mm, modèle 92 et 93, pour le premier cas et 7,65mm pour le second), a précisé le ministère de l'Intérieur, dans un communiqué diffusé sur sa page Facebook, cherchant ainsi à dissiper les lourds soupçons que les membres de l'IRVA ont fait peser, par leurs allégations, sur les forces de sécurité.
Fausses accusations, dites-vous?
Le ministère ne s'explique pas cependant sur les autres points soulevés par les membres de l'IRVA, et qui démontrent notamment d'inexplicables retards dans la mise en route des procédures, omissions et manquements dans l'enquête relative à l'assassinat de Belaïd.
Ces retards, omissions et manquements ont permis, rappelons-le, aux deux principaux accusés dans l'assassinat de Belaïd et Brahmi, à savoir Ahmed Rouissi et Kamel Kadhgadhi, d'échapper à la police et ils sont toujours en cavale.
Passant outre certaines interrogations légitimes des membres de l'IRVA, qui rapportent des faits assez précis et surtout très louches, et qui ne démontrent pas une grande efficacité ses services tunisiens, le ministère de l'Intérieur se contente de prévenir les auteurs des révélations qu'il va porter plainte contre ceux qui «calomnient les cadres sécuritaires et propagent de fausses accusations à leur encontre et à l'encontre de l'institution sécuritaire».
On ne peut pas dire que ces menaces sont suffisantes pour convaincre l'opinion publique ou pour faire taire tous ceux qui pensent que l'institution sécuritaire, infiltrée par certaines parties politiques, n'est pas indépendante et qu'elle fait le minimum pour aider à la révélation de la vérité sur les assassinats et les violences politiques commis par des... islamistes.
Illustration: Adnene Brahmi devant le portrait de Chokri Belaïd. Les parents des victimes attendendent encore... la vérité.
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