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La députée de l'opposition, et cinéaste de son état, Selma Baccar, confond entre le choix de candidats pour une instance devant veiller à la transparence des élections et le casting pour un film de fiction. Faut-il en rire ou en pleurer?

Par Marwan Chahla

Une grave crise de procédure vient une fois encore retarder la formation de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE). Pour la troisième fois en 6 mois, le Tribunal administratif a invalidé les travaux de la Commission de tri des candidats à cette instance.

Selma Baccar, membre de ladite Commission de tri créée au sein de l'Assemblée nationale constituante (ANC), est venue se plaindre, lundi soir, sur le plateau de Nessma TV, de ces reports qui n'en finissent pas et de l'atteinte portée au droit de vote de la Commission. Elle a avoué qu'elle ne comprenait pas grand-chose au droit mais qu'elle savait lire une loi et elle a également expliqué que dans le vote décisif sur le tri des candidats à l'ISIE, «il y a une part de subjectivité.»

Croisant le fer avec le magistrat Mohamed El-Ayadi, qui a fait remarquer que le vote de la Commission a ignoré l'échelle des critères de sélection des candidats à l'ISIE, Selma Baccar, député d'El-Massar à l'ANC, a répondu que «le vote, qui est un pouvoir d'appréciation (des membres de la Commission), ne peut être objectif. Immanquablement, il y a une part de subjectivité».

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Selma Baccar n'a pas peur des sangliers...

Visiblement plus qu'agacée («Je ne comprends plus rien! Je ne sais plus quoi faire!»), la cinéaste nous a expliqué que, de la même manière dont elle procède dans ses castings pour former son équipe pour le tournage d'un film, elle vote «subjectivement» sur la base «d'une prestation télévisuelle du candidat ou d'une déclaration faite par ce dernier, etc.».

Cette analyse de Mme Baccar et sa position sur un sujet aussi crucial que la constitution d'une instance devant veiller à la transparence des prochaines élections nous paraissent très aléatoires, sinon dangereusement naïves. Elle oublie que le jeu qui se joue au sein de la Commission du tri des candidats à l'ISIE est entièrement politique. Elle oublie également (ou n'a pas encore compris) que la bonhomie dont elle a toujours fait montre n'est pas de mise à l'ANC et ne peut être d'aucun service à l'organisation d'élections libres et transparentes.

Rappelons à Mme Baccar que des voix d'électeurs se sont portées sur son nom, le 23 octobre 2011, pour écrire une page de l'histoire de la Révolution du 14 janvier, qu'elle n'a pas été élue «pour faire du casting» ou pour nous dire, comme elle l'a fait lundi soir également, qu'«à Hammam-Lif, les sangliers ne nous dérangent pas. Nous cohabitons avec eux et ils ne nous posent aucun problème».

Décidément, l'opposition a beaucoup à apprendre. Et Mme Baccar, par sa touchante naïveté, nous donne la clé pour expliquer la déroute actuelle de l'opposition tunisienne qui multiplie les chutes et n'arrive même plus à se ramasser.