L'Association tunisienne pour la sécurité républicaine (ATSR) a dénoncé le laxisme de certains responsables du ministère de l'Intérieur dans la lutte contre le terrorisme, lors d'une conférence de presse, mercredi, à Tunis.
Par Yüsra N. M'hiri
Selon les responsables de l'ATSR, ce laxisme, qui se traduit par un manque d'implication et de réactivité, décourage les agents sur le terrain et encourage les terroristes.
A l'appui de leurs allégations, ils ont invité un agent et à un avocat à témoigner de leurs expériences dans ce domaine.
Un homme armé au bureau d'Ennahdha à Kélibia
Tout en insistant sur la volonté des agents de la sécurité de combattre le terrorisme, le président de la section de Tunis de l'ATSR, Issam Dardouri, déplore néanmoins le manque de moyens et d'équipements leur permettant de mener à bien leur mission, ainsi qu'un engagement clair du ministère de l'intérieur dans ce combat. Il déplore aussi que des dossiers instruits par des agents soient enterrés ou mis dans les tiroirs sans suite, la mise à la retraite anticipée et obligatoire de cadres expérimentés dans ce domaine, ou même les arrestations d'agents de sécurité, souvent non expliquées.
Il cite, notamment, le cas de Sofiane Hadj Amor, arrêté le 18 février 2012, accusé de vol et de mise à feu d'un local d'Ennahdha à Hammam El-Ghezaz. Selon son avocat, Chawki Chebbi, l'attaque a eu lieu le 17 février 2012. Elle était l'oeuvre d'un groupe d'individus. Sofiane, agent de l'ordre de son état, a dû intervenir pour protéger le local en question, mais aussi pour raisonner les assaillants. Mais, en pénétrant à l'intérieur du local, il s'est trouvé face à un homme armé, qui l'a accusé d'être le fauteur de trouble.
Chawki Chebbi, Issam Dardouri et Kamel El-Ouhaïbi.
«Sofiane a fait son devoir en dénonçant à sa hiérarchie l'homme qui détenait une arme, sans en avoir l'autorisation. Et c'est lui qui s'est retrouvé, finalement, derrière les barreaux. De plus, il est incarcéré, depuis, sans aucun jugement», explique Me Chebbi.
Remercié pour avoir découvert un groupe terroriste à Sidi Bouzid
Kamel El-Ouhaïbi, ancien cadre du ministère de l'Intérieur, invité lui aussi comme témoin, a été mis à la retraite anticipée et obligatoire, quelques jours après qu'il ait dénoncé un groupe terroriste, qu'il a démasqué à Kasserine.
M. El-Ouhaïbi revient sur les faits: «Le 7 février 2012, j'ai alerté mes chefs hiérarchiques sur la présence d'un groupe terroriste à Kasserine. J'avais alors découvert avec mon équipe une grande quantité d'armes au domicile de l'un des arrêtés dans les affrontements armés de Bir Ali Ben Khalifa, ayant opposé, 6 jours auparavant, les forces de l'ordre à un des présumés terroristes».
Cette alerte lui vaudra, quelques jours plus tard, une lettre officielle du ministère de l'Intérieur lui notifiant son départ à la retraite, sans aucune explication. L'ancien officier ne s'explique toujours pas cette mise à l'écart qui lui a créé beaucoup de problèmes dans son entourage.
«Pourquoi on me demande de partir, alors que le pays a besoin de cadres comme moi qui ont une expérience dans la lutte contre terrorisme? Pourquoi fait-on taire les braves qui se dévouent dans la défense de leur pays?», s'interroge-t-il. Et d'ajouter: «Mon dernier diplôme d'honneur, on me l'a décerné le 12 janvier 2012, soit un mois avant que ne sois remercié».
Imed Herzi sanctionné pour avoir eu raison
Issam Dardouri revient ensuite sur le cas de Imed Herzi, un officier de police qui travaillait à Médenine. Il a été le premier à alerter sur la présence de quantités d'armes dans la cette région frontalière avec la Libye, au début de 2012. Son alerte n'a jamais eu de suite. Pour le «remercier», ses chefs l'ont transféré à Sidi Bouzid (centre), comme pour l'éloigner. Il sera assassiné avec 5 autres officiers et agents de la garde nationale, par des terroristes, à Ounaissia, dans la délégation de Sidi Ali Ben Aoun, le 23 octobre dernier.
Ces témoignages suscitent des interrogations quant à la neutralité de certains hauts cadres du ministère de l'Intérieur, qui ne donnent pas l'impression d'être très engagés dans la lutte contre le terrorisme. Les responsables de l'ATSR demandent, par conséquent, à leur ministre Lotfi Ben Jeddou de mettre fin à ces pratiques qui nuisent à la crédibilité de l'institution sécuritaire dans son ensemble, alimentent les suspicions et n'aident pas les forces de l'ordre à bien mener leur combat contre le terrorisme.