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La publication du ''Livre noir'', et d'autres faits et gestes du président provisoire de la république, laissent craindre d'autres coups bas visant à renforcer les prérogatives de Moncef Marzouki et à préparer le terrain à son maintien à la tête de l'Etat.

Par Ridha Kéfi

Selon des indiscrétions, l'entourage de M. Marzouki, que l'on pourrait appeler «cabinet de l'ombre», serait en train de monter plusieurs dossiers visant à attaquer ses adversaires politiques et même ses alliés, qu'il considère déjà comme des adversaires potentiels dans la perspective des prochaines élections.

Les dossiers montés contre adversaires et alliés

L'Institut tunisien des études stratégiques (ITES), financé par les deniers de l'Etat mais contrôlé exclusivement par la présidence de la république (!?), est chargé de préparer le programme électoral du président Marzouki et de son parti, le Congrès pour la république (CpR). Ce qui, on le sait, n'aurait pas dû figurer parmi ses missions. C'est même une aberration digne d'une dictature bananière.

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Marzouki, chef suprême des armées, préside le Conseil supérieur des armées.

Le directeur de l'ITES, qui aurait dû être un chercheur indépendant, choisi pour ses compétences intrinsèques sur la base d'un concours public sur dossier, n'est autre que Tarek Kahlaoui, membre du bureau politique du CpR, ancien militant d'Ennahdha qui a loué ses services à Sakher El-Materi, sous l'ancien régime, avant de se joindre à la camarilla entourant aujourd'hui Marzouki: un ramassis d'opportunistes, rescapés d'Ennahdha et de la gauche caviar.

Selon certaines sources dignes de foi, l'ITES étant encore une boîte vide – on ne lui connait, à ce jour, aucune publication digne de ce nom – va se renforcer très bientôt en recrutant des experts pour contribuer de manière spécifique à l'élaboration du programme électoral de Marzouki et du CpR.

Sur un autre plan, M. Marzouki est en train d'étoffer son agenda par une multitude de voyages à l'étranger (au frais de l'Etat, bien entendu, et avec un appareil affrété, l'avion présidentiel étant jugé peu confortable). Objectif de ces déplacements sans intérêt pour la Tunisie: soigner l'image à l'international d'un président provisoire en perte de popularité parmi les siens et qui a du mal à exister sur le plan international. Le dernier déplacement de Marzouki à l'Unesco et la rencontre improvisée avec le président Hollande à l'Elysée entrent dans ce cadre.

Pour mieux profiter de l'appareil du CpR et consolider les ponts entre la présidence et le parti dirigé par Imed Daïmi, ex-chef de cabinet de Marzouki, le président provisoire est en train de s'entourer de jeunes militants de ce parti, sans compétence ni expertise, mais affublés de titres pompeux d'attachés ou de conseillers.

Ce sont ces petits soldats qui vont défendre le président sur les réseaux sociaux, attaquer ses adversaires et ennemis politiques, et monter des dossiers contre eux. Les attaques vont être très méchantes et l'archive de la présidence, sur laquelle la bande de Marzouki a mis la main, renferme des dossiers compromettant sur les journalistes et les politiciens, y compris certains dirigeants d'Ennahdha, qui avaient des contacts secrets avec les services de Ben Ali.

Un vrai-faux coup d'Etat avorté?

Pour soigner son image au sein de la mouvance islamiste, réserve électorale dont il ne va pas laisser le monopole à Ennahdha, M. Marzouki va multiplier les appels du pied en direction des salafistes, wahhabites et autres, avec notamment des déclarations ciblées, la réception de certains de leurs leaders au Palais de Carthage et leur invitation à des activités organisées par le Palais de Carthage. Le président provisoire, qu'aveugle l'ambition présidentielle, ne craint pas de donner ainsi une légitimité à de potentiels terroristes. Ce qui l'intéresse, ce sont les voix qu'ils pourraient s'attirer en fréquentant les barbus de tous bords.

Autre sujet, encore plus inquiétant : M. Marzouki a refusé de transférer les 2.500 agents de sécurité présidentielle, qui sont dans un quasi chômage technique, au ministère de l'Intérieur, où ils pourraient être plus utiles, ne fut-ce que pour renforcer les effectifs de sécurité en ces moments difficiles de montée du terrorisme.

On peut admettre que Ben Ali, avec sa paranoïa sécuritaire, avait besoin de tous ces hommes pour assurer sa protection, mais on a du mal à comprendre pourquoi Marzouki, qui est déjà le chef suprême des armées (où il a effectué récemment des remaniements brutaux très mal accueillis au sein de la Grande Muette), tient-il à avoir aussi, sous son autorité, un si important effectif sécuritaire? A-t-il, comme on dit, une idée derrière la tête?

Les mauvaises langues disent que le président provisoire, qui entend durer le plus longtemps possible – son appétit de pouvoir n'a rien à envier à celle de Ben Ali –, pourrait mettre en route (ou simuler) un vrai-faux coup d'Etat avorté pour monter sur ses grands chevaux, légitimer un renforcement de ses prérogatives et passer brutalement à un régime autocratique juste avant les élections.

Ce scénario peut paraître saugrenu. Et il l'est à coup sûr. Mais avec un président caractériel et impulsif, qui dit un jour une chose et fait exactement son contraire le lendemain, on peut s'attendre à tout. Et, surtout, au pire...

Alors, Tunisiens, Tunisiennes, attachez vos ceintures, le crash est imminent!