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Cette semaine, Abdelfattah Mourou, vice-président d'Ennahdha, a fait le déplacement aux Etats-Unis à l'invitation de deux instituts de recherche américains. Son chichi, ses gesticulations et ses simagrées n'ont pas fait sensation.

Par Moncef Dhambri

Mardi, il s'est échiné à raconter, à un petit auditoire, que l'islamisme des Frères musulmans et la démocratie peuvent faire bon ménage.

Il a expliqué aussi que la Tunisie connait quelques difficultés (on appréciera l'euphémisme), que celles-ci sont minimes et passagères et que les traditionnels bon sens et modération des Tunisiens surmonteront tout cela...

Le digne successeur d'Abdelaziz El-Aroui

Invité des Jackson Institute for Global Affairs et Yale Council on African Studies, notre Abdelfattah Mourou national, représentant personnel de Rached Ghannouchi, a eu l'occasion de prendre le contre-pied de l'idée selon laquelle islam et démocratie sont incompatibles.

Pour le sympathique cheikh, dont les clowneries n'amusent plus grand-monde, il ne fait aucun doute: «Les textes de loi et la justice islamiques sont là pour confirmer qu'ils (islam et démocratie, NDLR) peuvent, de fait, coexister», rapporte le ''Yale Daily News''.

Pour s'en expliquer, cheikh Mourou ira puiser ses justifications dans l'histoire de la Tunisie, rappelant que notre pays, un des premiers pays au monde à avoir aboli l'esclavage, a toujours été «à la pointe du changement». Plus proche de nous, il ajoutera que, pendant les années '70, par exemple, la jeunesse tunisienne militante a pu établir, dans notre pays, un nouveau discours qui était progressiste, tout en demeurant profondément enracinée dans les valeurs et principes de l'islam.

Selon Abdelfattah Mourou, cette dualité existe encore en Tunisie: «Notre pays est toujours attaché à cette position progressiste et se bat pour la création d'une nation musulmane, démocratique et stable».

Pour aider son auditoire à avaler la pilule, M. Mourou admettra que notre pays traverse actuellement une période difficile et que le parcours est ardu: «Il n'y a pas de naissance sans peine. La naissance d'une nation nouvelle, d'une communauté nouvelle plus généralement, nécessitera de nombreux sacrifices», a-t-il dit.

En conclusion, le digne successeur d'Abdelaziz El-Aroui n'a pas trouvé meilleure formule creuse que «les nations qui triomphent sont celles qui sont les plus inébranlables et les plus fermes».

L'islam «importé» des Nahdhaouis

Cheikh Mourou, du reste très sympathique et jovial, peut faire encore illusion auprès d'une certaine frange de la population tunisienne: il y a peu de temps, souvenons-nous, ses courtes historiettes religieuses sur Hannibal TV, lors de la rupture du jeûne, avaient trouvé preneurs. Tout le monde le trouvait avenant et populaire...

Aujourd'hui, il n'est plus question de générosité, charité, piété musulmanes (que sais-je encore?). Il s'agit d'idées et d'enjeux plus grands: d'une économie agonisante, de wahabbisme rampant, de terrorisme jihadiste qui frappe aux portes de nos villes et nos maisons, d'un parti Ennahdha incompétente accrochée au pouvoir, d'impasses nombreuses... Bref, d'innombrables échecs, en deux courtes années de gouvernement Troïka, qui prouvent que l'islam «étranger» prôné (ou importé) par les Nahdhaouis ne fera jamais le bonheur des Tunisiens, qu'il ne rassurera jamais nos amis proches et lointains.

Malgré sa gouaille et ses effets de manche, cheikh Abdelfattah Mourou n'a pas fait sensation. Il n'a pas eu droit à une standing ovation de la part de la vingtaine de personnes présentes. Qu'elle est loin déjà la standing ovation du Congrès américain la Révolution tunisienne ! Ennahdha est passé par là.

Illustration: Ph. Rachel Siegel.