Loin des partis politiques, et pour parer à leurs carences, qui ont mené la Tunisie dans l'impasse actuelle, la société civile se mobilise pour sauver les pôts cassés et apporter sa contribution à la réussite de la période transitoire.
Par Yüsra N. M'hiri
Le Collectif civil pour la Tunisie (CCT), nouvellement créé, souligne l'importance du rôle de la société civile dans la période transitoire, partout en Tunisie, mais surtout dans les régions et quartiers défavorisés, souvent oubliés par les partis politiques.
L'échec de l'élite politique
Le CCT a organisé, mercredi, une conférence de presse réunissant certains de ses membres, dont Houcine Dimassi, économiste et ancien ministre des Finances, Ahmed Souab, juge au tribunal administratif, la journaliste Naziha Rejiba, plus connue sous le pseudonyme d'Om Zied, Mohamed Sghaier Ennouri, économiste, et Hedi Ben Salah, ancien maire de l'Ariana, pour lancer un appel aux citoyens et aux associations afin qu'ils se joignent à eux et oeuvrent pour la réussite de la transition démocratique.
Les membres du CCT partent d'un constat d'échec de l'élite politique du pays. «Nous avons fait confiance aux partis, mais deux ans après, il est évident que nous sommes dans une impasse, et que nous vivons désormais l'échec au quotidien», explique Om Zied. Elle ajoute: «Nous respectons les politiciens, leurs partis et leurs programmes, mais nous-nous greffons à leurs démarches, par le contrôle et l'accompagnement. Nous ne cherchons pas à les dénigrer, mais souhaitons seulement combler les vides qu'ils laissent».
Les membres du CCT n'omettent pas cependant de souligner que les partis politiques, dans leur majorité, et malgré leurs divergences, restent avides de pouvoir, ce qui les détourne de certains objectifs et priorités.
La société civile, par contre, cherche uniquement à reconstruire le pays et à aider les citoyens, notamment les habitants des régions et quartiers défavorisés, à se prendre en charge pour améliorer leur quotidien.
Hedi Ben Salah, Ahmed Souab et Mohamed Sghier Ennouri.
Les régions intérieures sont encore marginalisées. Elles ont pourtant été le théâtre des premiers soubresauts de la révolution, notamment à Sidi Bouzid, avec l'auto-immolation par le feu de Mohamed Bouazizi, le 17 décembre 2010, acte désespéré qui a provoqué une vague de protestations dans tout le pays, accélérant la chute de Ben Ali, après 23 ans de règne sans partage.
Procéder par des actions concrètes
Le CCT compte des membres issus de ces régions et souhaite être sur le terrain, pour écouter les citoyens, les aider, les orienter et veiller à ce que leurs demandes soient prises en considération.
«Nous irons dans les régions reculées et nous nous rendrons également dans les quartiers défavorisées de la capitale, car souvent même à Tunis, certains quartiers ressemblent à des no mans land», déclare M. Ennouri. Il explique que la société civile concentre le plus souvent son intérêt sur les véritables besoins des régions et des individus et procède par des actions concrètes.
Ahmed Souab a, pour sa part, souligné le rôle central d'une justice totalement indépendante dans la naissance d'une vraie démocratie. Aussi, la mise en place de l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) est-elle la principale garantie pour la tenue d'élections libres et transparentes et la construction d'une Tunisie libre et démocratique. «Il ne faut pas que les élections soient tronquées ou biaisées, car ce sera là le signe d'un retour en arrière», explique-t-il.
«Ensemble nous irons loin», dit Om Zied
M. Souab conclue en appelant les citoyens à rejoindre le CCT pour aider les Tunisiens à réaliser leurs aspirations et à cueillir enfin les fruits de la révolution. «La société civile, à elle seule, est faible; il lui faut l'appui de la justice, de la sécurité et des médias, pour pouvoir avancer sereinement vers l'atteinte de ses objectifs», dit-il.
En d'autres termes, chaque citoyen doit, à son niveau, porter sa pierre à l'édifice collectif, dans un esprit constructif et solidaire. «Chacun de nous doit se considérer comme un soutien et non comme un concurrent afin de créer ce lien de solidarité qui a toujours réussi aux Tunisiens et qui les a aidés, par le passé, à surmonter toutes les difficultés. Ensemble nous irons loin», conclue Om Zied, sur une note optimiste.
Illustration: Hedi Ben Salah, Ahmed Souab, Neziha Rejiba et Mohamed Sghier Ennouri.