Hamadi Jebali, secrétaire général d'Ennahdha et ancien chef du gouvernement, sera-t-il le prochain locataire du Palais de Carthage? L'idée semble faire son chemin parmi les dirigeants d'Ennahdha.
Par Zohra Abid
Le quotidien ''Achourouk'' affirme, dans sa livraison du samedi 21 décembre, qu'une majorité des partisans d'Ennahdha, parti dominant l'Assemblée nationale constituante (ANC), pense que leur parti, qui est appelé à céder la présidence du gouvernement au profit d'un nouveau cabinet de compétences indépendantes conduit par Mehdi Jomaâ, doit garder un pied dans le pouvoir exécutif en nommant l'un des leurs à la présidence provisoire de la république en remplacement de Moncef Marzouki, président d'honneur du Congrès pour la république (CpR), devenu à la fois incontrôlable et encombrant.
L'agité du bocal
Cette idée est d'autant plus partagée que M. Marzouki, dernier, qui doit son poste aux votes des députés d'Ennahdha, a montré des velléités d'indépendance, n'hésitant pas à critiquer le parti islamiste et à faire cavalier seul sur de nombreux dossiers.
La publication récente du ''Livre noir'', sans concertation avec ses alliés (et employeurs) islamistes, a été perçue comme une tentative de s'affranchir de ses engagements vis-à-vis de ces derniers.
Les rumeurs, colportés par certains médias, à propos d'un projet de coup d'Etat que M. Marzouki mijoterait à feu doux, ont creusé davantage le fossé séparant désormais Ennahdha de sa «créature», dont l'activisme diplomatique, qui s'apparente plutôt à de l'agitation, n'a pas facilité la tâche au gouvernement sortant, conduit par le dirigeant islamiste Ali Larayedh.
Hamadi Jebali, le pondéré, et Moncef Marzouki l'agité.
Au contraire, les gesticulations de M. Marzouki, à propos de l'Algérie, de la Syrie ou de l'Egypte – où il jouit d'une très mauvaise presse –, et ses appels du pied en direction de la France et des Etats-Unis, sont perçus comme autant de tentatives pour se donner un rôle central dans la transition démocratique alors que la loi organisant les pouvoirs provisoires lui donne des prérogatives, réduites, de simple représentation symbolique de la continuité de l'Etat.
Hamadi Jebali en embuscade
Et comme l'article 10 de cette loi permet aux députés de la majorité de choisir le président provisoire de la république, certains membres d'Ennahdha n'écartent pas la possibilité de remplacer le caractériel et imprévisible Moncef Marzouki par l'ex-chef du gouvernement Hamadi Jebali. Surtout que, selon la plupart des sondages d'opinion, ce dernier, qui est un homme pondéré et au visage avenant, est plus populaire auprès des Tunisiens.
En outre, la nomination de M. Jebali aurait une portée politique importante en ce sens qu'elle signifierait qu'Ennahdha n'a pas quitté totalement le pouvoir qui lui a été conféré par les élections du 23 octobre 2011. Elle apaiserait aussi la vague de protestation s'exprimant au sein même d'Ennahdha, en raison de son acceptation, sous la pression de l'opposition, de la démission du gouvernement Ali Larayedh et son remplacement par un cabinet de compétences indépendantes.