Bertrand Delanoë, le maire de Paris, fidèle parmi les plus «tunisophiles» des Français, ne pouvait manquer l'occasion du 3e anniversaire de la Révolution du 14 janvier 2011 pour dire tout le bien qu'il pense des progrès accomplis par notre transition démocratique. VIDEO.
Par Marwan Chahla
Le Bizertin de Paris, qui a toujours suivi de très près l'évolution de la situation en Tunisie, loue le travail mené par les organisations nationales et la société civile tunisiennes contre les forces de l'obscurantisme et du retour en arrière. Il n'a pas osé décrire la réussite de cette résistance comme étant une victoire contre l'intégrisme, car il lui faut bien rester diplomate et se prémunir contre toute accusation d'ingérence. Sa position se comprend.
Invité, mardi matin, du programme 7/9 de nos confrères français de France Inter, M. Bertrand Delanoë a, d'entrée de jeu, annoncé la couleur de sa grande appréciation de la Révolution du 14 janvier: «Le peuple tunisien a fait une grande révolution. C'est la première révolution démocratique dans un pays arabe. Ce ne sont pas les partis politiques qui l'ont faite cette révolution. C'est le peuple tunisien et ses organisations, comme l'UGTT, la Ligue des droits de l'Homme, les Femmes démocrates, l'UTICA et les avocats. Il y a eu, pendant les trois dernières années, beaucoup de conflits, des drames et des assassinats, certes, mais grâce à la pression que ces organisations et la société civile ont exercée sur les dirigeants politiques – aussi bien les islamistes que ceux des autres formations politiques de l'opposition – il y a eu recherche de compromis.»
En 2011, Bertrand Delanoë a écrit au comité Nobel pour soutenir la candidature du peuple tunisien au Nobel de la paix. Ici, au siège de la LTDH, à Tunis, fin février 2011.
S'il reconnait qu'il y a mention précise, dans le projet de nouvelle constitution, du principe de l'Etat protecteur du sacré, Bertrand Delanoë s'empresse d'ajouter que la nouvelle Loi fondamentale «accorde aussi à chacun le droit d'avoir la religion qu'il souhaite, et même de quitter la religion musulmane pour choisir une autre religion. Et cela est un énorme pas dans la bonne direction», rappelant que, pour ce qui suivra, «tout dépendra, bien évidemment, de l'interprétation qui sera faite de cette nouvelle constitution». Et, avec beaucoup d'insistance et de fierté, le maire de Paris ne se prive pas du plaisir de s'exclamer : «N'oublions pas que le peuple tunisien a, historiquement, donné le ton» du Printemps arabe et de ce qui se passe aujourd'hui dans le monde arabo-musulman.
S'insurgeant contre une certaine tendance française à décrire la situation en Tunisie comme étant une confrontation entre camps laïc et islamiste, qu'il qualifie de «vision franco-française», M. Delanoë évoque, plutôt, une toute autre réalité tunisienne: pour lui, «la Tunisie, c'est un peuple, un pays et un Etat dont la religion est l'islam. D'ailleurs, comment peut-on expliquer que les Tunisiens aient réussi leurs compromis (à l'occasion de la rédaction de leur constitution, NDLR)?, s'interroge-t-il. «Tout simplement, en reprenant l'Article 1 de la Constitution de 1959, inspirée par Habib Bourguiba. De ce fait, vous pouvez avoir des islamistes politiques qui ne sont forcément les plus pieux du monde et, en même temps, des gens qui tiennent à la laïcité, à la diversité et au respect de la liberté de conscience et qui sont des musulmans très pieux», dit-il.
Et de conclure : «La référence à la culture et à la religion musulmanes est une évidence pour tous, même les athées tunisiens. Simplement, ce dont la majorité des Tunisiens ne veulent pas, c'est que la religion inspire l'action gouvernementale et la loi tunisienne. En réalité, les Tunisiens veulent préserver cette originalité qu'ils ont. Ils sont fiers de leur identité arabo-musulmane mais, dans le même temps, ils restent ouverts aux autres. C'est sans doute le peuple méditerranéen qui aime le plus les autres cultures et qui s'enrichit des autres cultures, mais il n'a pas envie de nier sa propre identité».
Pareille opinion de M. Delanoë conforte cette thèse selon laquelle il existe bel et bien une spécificité tunisienne qui, quoi qu'il advienne, aidera le peuple tunisien à surmonter les difficultés présentes et à réaliser des progrès.