mehdi jomaa ennahdha banniere 1 24

Ennahdha va céder, en partie, le gouvernement mais pas le pouvoir. La preuve : le parti islamiste manoeuvre pour garder son influence sur le chef de gouvernement désigné Mehdi Joamaâ. Pour empêcher qu'il réussisse...

Par Moncef Dhambri

Les Tunisiens retiennent leur souffle et s'interrogent encore si, vraiment, leur pays va enfin retrouver une certaine sérénité, une certaine cohérence, un certain bon sens. Les lignes directrices de la feuille de route ont été bien tracées et la Constitution est à présent achevée. Au bout de ce parcours très laborieux, la Tunisie va-t-elle avoir droit à la révolution qu'elle mérite? Ennahdha, cessera-t-il de jouer à son double jeu? Cessera-t-il de souffler le chaud et le froid? S'est-il vraiment consolé d'avoir cédé la gestion des affaires du pays? Ou trouvera-t-il encore d'autres moyens pour «faire la pluie et le mauvais temps»?

L'interminable transition de la transition

Jeudi, les constituants ne finissaient pas d'en découdre sur cette affaire «de la transition de la transition» qui devra mener le pays jusqu'aux prochaines élections. Les débats achoppaient notamment sur la tenue des législatives et de l'élection présidentielle, à savoir si ces deux scrutins devaient être concomitants ou se succéder. L'on a également débattu de la proportion (50+1, les 2/3 ou 3/5) des membres de l'Assemblée nationale constituante (ANC) qui peut mettre en difficulté le gouvernement de Mehdi Jomaâ et lui retirer la confiance...

Bref, rien n'est joué et l'on devra encore attendre pour être définitivement fixé sur le sort réservé à la Révolution et sur le processus de la transition finale. De fait, la surprise du blocage peut survenir à n'importe quel moment.

Car, en dernière analyse, Ennahdha «a abandonné le gouvernement, et non pas le pouvoir», pour citer son président et gourou Rached Ghannouchi.

Hier, jeudi 23 janvier, la séance de travail du «Dialogue national» n'a pas dissipé les doutes et des litiges sérieux persistent, malgré l'optimisme affiché de l'UGTT, le principal parrain des négociations. Bouali Mbarki, secrétaire général adjoint de la centrale syndicale, a déclaré: «Nous procédons à pas sûrs, dans le bon sens. Et l'optimisme est toujours de mise». On se rassure comme on peut...

L'indépendance de Mehdi Jomaâ en question

Pour Ameur Larayedh, président du bureau politique d'Ennahdha, «cette affaire (le désaccord, NDLR) n'est pas uniquement du ressort d'Ennadha. Il se trouve qu'un nombre important de constituants, appartenant à plusieurs partis, voire à toutes les formations politiques, rejettent cette idée d'une motion de censure des deux-tiers pour retirer la confiance au gouvernement».

La vérité demeure qu'une proportion de cet ordre, soit 142 des 217 membres de l'ANC, pourrait poser des problèmes à Ennahdha et le priverait d'un pouvoir de pression sur le gouvernement de Mehdi Jomaâ, si ce dernier décidait de suivre une ligne politique indépendante qui ne donnerait pas satisfaction aux intérêts nahdhaouis.

C'est là, donc, que réside tout l'intérêt de la prochaine étape: le gouvernement Jomaâ, sera-t-il totalement libre de ses mouvements? Gardera-t-il, ainsi qu'il a été clairement spécifié dans la feuille de route décidée par le Dialogue national, une égale distance entre tous les partis? Et pourra-t-il entreprendre tout ce que l'on attend de lui, pendant les huit ou neuf mois à venir?

A coup sûr, Ennahdha l'en empêchera, pour de multiples raisons. Les islamistes ne souhaiteront jamais que le successeur de Hamadi Jébali et Ali Laârayedh réussisse, sur les plans économique et social, là où ils ont essuyé des échecs cuisants. Ils ne souhaiteront pas, non plus, voir M. Jomaâ mener à bout son opération de «nettoyage» de l'administration, en passant en revue une à une les milliers de nominations partisanes effectuées sous les Troïka 1 et 2. 

Pour toutes ces raisons objectives, les Nahdhaouis, aujourd'hui dans l'opposition (ou hors du gouvernement), mèneront la vie dure à M. Jomaâ s'il s'avise à contrarier leurs plans de reconquête d'une autre légitimité électorale et de retour au pouvoir.

Pour un plus long mandat, cette fois-ci.