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Les ratages de Lotfi Ben Jeddou auraient dû le pousser à partir avec le gouvernement Ali Larayedh. Il a préféré garder son poste de ministre de l'Intérieur, donnant à la famille de Chokri Belaïd de bonnes raisons de nourrir des soupçons à son égard.

Par Moncef Dhambri

Les Belaïd, parents, enfants et alliés, ne se consolent pas. Un an est passé depuis l'assassinat de Chokri Belaïd et le meurtre reste toujours sans réponse. La mort de Kamel Gadhgadhi, l'assassin présumé, le mardi 4 février, lors des affrontements des forces de l'ordre avec un groupe terroriste à Raoued, est loin, très loin d'avoir apaisé la douleur de la famille du martyr car, pour eux, le mystère demeure entier. Pour eux, Kamel Gadhgadhi ne serait qu'un pion, un maillon d'une chaine qui, s'il avait été capturé vif, aurait mené l'enquête jusqu'aux commanditaires.

Alors, tant de têtes, impliquées directement ou indirectement, auraient été traduites devant la justice, elles auraient rendu des comptes et seraient très certainement tombées.

Un bilan très mitigé

Pour Abdelmajid Belaïd, frère du martyr qui ne décolère pas, la conférence de presse du ministre de l'Intérieur, le jour même du raid des forces de sécurité qui a coûté la vie à Gadhgadhi et à 6 de ses complices, n'a rien apporté de nouveau...

Le présumé meurtrier a trouvé la mort, mais il a emporté avec lui une partie du secret de ce meurtre et la soif des Belaïd de connaître la vérité, toute la vérité, sur la mort du «défenseur des gueux» est loin d'être satisfaite.

Jeudi, au micro de la matinale de Mosaïque FM, Abdelmajid Belaïd a rejeté la compassion du ministre de l'Intérieur Lotfi Ben Jeddou qui, mardi soir, a choisi de présenter lui-même aux médias le rapport sur l'opération de Raoued, d'annoncer la mort de Gadhgadhi, d'«offrir au peuple tunisien cette mort comme le meilleur cadea» à la veille de la commémoration du meurtre de Chokri Belaïd et de dresser, dans les moindres détails, le bilan de ce que les forces de sécurité ont accompli sous son mandat.

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Abdelmajid Belaïd exige la vérité sur le meurtre de son frère Chokri Belaïd.

Abdelmajid Belaïd n'est pas convaincu. Il rejette tout cela en bloc: «Nous ne voulons pas de ce cadeau. Nous le renvoyons à M. Ben Jeddou. C'est plutôt lui qui a besoin de ce cadeau, pour son maintien à la tête du ministère de l'Intérieur. Pour nous, la vie d'un homme, même celle de Gadhgadhi, ne peut être un cadeau».

«A nos yeux, il aurait été préférable que Gadhgadhi soit arrêté vif. Nous aurions souhaité savoir qui se cache derrière lui. Nous aurions également aimé que la décision politique, ou une certaine volonté politique, ne vienne jamais se mêler des affaires du ministère de l'Intérieur, de ce meurtre, de l'investigation et de la recherche de la vérité. Pour toutes ces raisons, donc, tout ce que M. Ben Jeddou a dit, mardi soir, ne nous regarde pas. Bref, cela n'a rien apporté de nouveau et nous en sommes toujours au même point. Tant de questions demeurent sans réponse», a-t-il ajouté, inconsolable.

Abdelmajid Belaïd, souhaitant dissiper tout malentendu que peut susciter sa colère, a tenu à bien faire la différence entre Lotfi Ben Jeddou et les forces de sécurité qui sont sous ses ordres: «Nous exprimons notre gratitude aux forces de l'ordre. Nous reconnaissons leur compétence et leur efficacité. S'il n'y avait pas eu immixtion (politique, NDLR) dans les affaires de ces forces, ces dernières auraient été capables, depuis longtemps déjà, d'arrêter les coupables et le dossier aurait été définitivement clos», conclut-il.

Le lourd legs sécuritaire d'Ali Larayedh

Autant dire, donc, que M. Ben Jeddou n'est pas au bout de ses peines. A la tête du ministère de l'Intérieur depuis mars dernier, il a hérité du lourd legs sécuritaire d'Ali Larayedh et porte lui-même une part importante de la responsabilité des failles et des échecs du système. Et pour cause: le laxisme dont ont fait preuve ses services a permis l'assassinat du député de l'opposition Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2013. Ils étaient pourtant informés, 15 jours à l'avance, par la CIA, le service de renseignement américain, de l'existence d'un projet d'assassinat visant... feu Brahmi. Pourquoi, lui et ses services, n'ont-ils rien fait pour le protéger?

Les insuccès – c'est un euphémisme – de Lotfi Ben Jeddou auraient dû le pousser à tirer sa révérence, le jour où Ali Larayedh a été forcé de quitter le premier ministère. Il savait qu'il était indésirable et que sa reconduction était très contestée par une bonne partie des Tunisiens. Pourtant, il a tenu à sa fonction de ministre (ou l'a-t-on invité à le faire avec beaucoup d'insistance?).

Il doit donc faire face aux critiques des Belaïd, des Brahmi, des parents des nombreux autres martyrs qui sont tombés sous les balles traitresses des salafistes jihadistes, sans oublier le peuple tunisien qui, lui aussi, exige qu'on lui rende des comptes.