Il est temps que les Tunisiens laissent de côté leurs querelles idéologiques éculées et se mettent en rangs serrés pour combattre leur ennemi numéro: le terrorisme djihadiste.
Par Moncef Dhambri
Les extrémistes religieux ont frappé, dans la nuit de samedi à dimanche, à Jendouba. Leur coup était dur. Ils ont frappé pour faire très mal, pour nous faire douter, pour nous faire regretter notre révolution, pour nous faire regretter notre constitution, pour nous faire regretter que notre Loi fondamentale n'ait pas fait place à la charia et à tout ce qui s'en serait suivi (polygamie, niqab, femme au foyer et autres folies).
Bref, ils ont frappé pour nous faire reculer. Il nous revient donc à nous de décider, de nous décider: soit nous avançons tout droit devant et résolument, avec des moyens entiers et une conviction totale; ou bien nous baissons les bras, nous nous interrogeons encore et encore sur les intentions de ces fous, nous cherchons à comprendre ces ennemis de la communauté nationale et leur donnons l'occasion de marquer d'autres points, de nuire et de gagner du terrain.
Une guerre sans quartier
L'unanimité s'est faite parmi les spécialistes nationaux et internationaux qu'il s'agit bel et bien d'une guerre totale.
Nous, les communs des mortels, avons toujours du mal à réaliser l'ampleur et la gravité de cette confrontation: notre innocence, notre candeur et notre naïveté sont telles que l'on a peine à croire que ce qui a pu arriver ailleurs, chez nos voisins immédiats ou chez nos frères et amis lointains, soit entrain de s'installer définitivement chez nous.
Puisqu'il y a guerre chez nous, qu'elle le soit. Qu'on la fasse donc comme il se doit! Qu'elle soit une guerre sans quartier, sans merci!
Tout d'abord, il serait vain de chercher les coupables parmi nous. Nous les connaissons et nous nous en occuperons en temps voulu. Pour l'instant, concentrons-nous sur «les enfants de Ghannouchi». Plus tard, nous réglerons les comptes de ceux qui ont tenté de dévoyer la Révolution, qui ont négocié avec le terrorisme, ont admiré la fougue de leur jeunesse et ont trouvé que ces sanguinaires de la religion n'étaient pas des martiens....
Nous y reviendrons une fois l'urgence que dicte la situation actuelle sera réglée. Ne confondons pas les priorités.
Nous y reviendrons, parce toutes nos énergies – et elles sont modestes, avouons le – doivent converger. Nos ressources et notre détermination ne devraient alimenter que cette guerre totale contre le terrorisme.
Nous nous occuperons des comploteurs, des «traineurs de savates», des convaincus à moitié et de ceux qui ont mal placé leurs convictions, lorsqu'on aura liquidé définitivement l'affaire des salafistes, des djihadistes et wahhabites. Le temps presse et nous avons de très nombreux dossiers sur les bras qui n'ont que trop attendu.
Investissons, donc, dans cette guerre tous nos moyens et faisons les sacrifices que l'annihilation de ces terroristes requiert. Nous pourrons reporter la réussite d'une saison touristique ou deux, nous pourrons faire patienter nos chômeurs quelque autre temps, nous pourrons remettre à plus tard nos projets de développement, nous pourrons, le jour venu, trouver les mots qu'il faut pour convaincre les investisseurs étrangers de refaire confiance à notre pays...
Nous pourrons surseoir à tout cela et bien d'autres choses encore pour sauver la Révolution.
Notre révolution est en danger
Nous réalisons, chaque jour encore plus, qu'une révolution se mérite et qu'elle a un prix qui peut parfois être très élevé. La nôtre, reconnaissons-le, a été moins coûteuse que celles de nos frères libyens, égyptiens ou syriens.... Soyons, donc, prêts à payer un peu plus. Il est malheureux d'en arriver à cette conclusion qu'il faille accepter de ranger dans les tiroirs la «supériorité» de notre Révolution du jasmin, qu'il faille être sanguinaire et combattre les terroristes par les armes de la terreur.
Donc, unissons-nous derrière notre drapeau et reprenons en choeur notre hymne national : «Ô Défenseurs de la Nation! / Donnons ses lettres de gloire à notre temps! / Dans nos veines, le sang a tonné:/ Mourons, Mourons pour que vive la Patrie!» (''Humat al-Hima'')
N'ayons pas peur de reconnaître que notre révolution est en danger et que, pour traverser cette zone de turbulence, notre pays ne devrait pas hésiter à consacrer les dinars, les euros et les dollars qu'il faut. Puisqu'il est question de moyens matériels et financiers, mettons-y le prix qu'il faut pour se procurer les meilleures armes et les meilleures défenses.
Nos amis européens et américains n'hésiteront pas à servir notre cause et à nous prêter main forte. Mettons de côté nos susceptibilités et nos sensibilités idéologiques, et traitons avec ces pays démocratiques franchement et directement.
N'ayons plus aucun complexe d'infériorité car, désormais, nous avons en commun avec ces pays le démocratisme – et ils nous le reconnaissent. Nous pouvons prétendre pouvoir traiter avec eux sur un pied d'«égalité de principes».
N'ayons aucune crainte pour notre indépendance: scellons avec l'Europe et les Etats-Unis des alliances qui servent nos intérêts. Spécifions clairement, dans nos accords ou contrats d'achat avec ces pays, les conditions entières de la souveraineté et de l'intégrité de notre pays.
Il ne s'agit nullement d'une vassalisation de la Tunisie. Ceci s'appelle réalisme politique. Il peut comporter des risques, mais, lorsque l'on décide de combattre franchement le terrorisme intégriste, il faut choisir des alliés qui mènent depuis longtemps une guerre sans pitié contre contre cette calamité.
Les Etats-Unis, l'Europe et nos frères algériens ont les moyens et l'expérience dont la Tunisie a besoin.
Ne nous en privons pas. Laissons tout simplement de côté nos idéologies éculées et nos positions de principe d'un autre âge et nos théories de café du commerce. L'ennemi numéro un de la Tunisie s'appelle terrorisme djihadiste, et non pas «néocolonialisme» occidental. Faisons clairement cette distinction: les fondamentalistes auxquels notre pays fait face sont armés des armes que produisent les Etats-Unis et l'Europe, ayons donc le courage de nous allier avec les Américains et les Européens.
Illustration: "Nous soutenons les forces de sécurité et l'armée dans leur guerre contre le terrorisme".