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La Fête de l'Indépendante s'est transformée en une célébration des «grandes réalisations» des deux gouvernements Ennahdha et de la prochaine victoire électorale du parti islamiste. Merci Lotfi Ben Jeddou...

Par Imed Bahri

Le prétexte est tout trouvé : les partis de l'opposition sont démobilisés par des alertes assassinat, et l'Avenue Habib Bourguiba est livrée à Ennahdha et ses satellites pour qu'ils y marquent symboliquement leur terrain. Explication...

Trois jours avant la célébration du 58e anniversaire de l'Indépendance, le jeudi 20 mars, journée habituellement célébrée avec faste par les partis libéraux et de gauche, le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou prend soin de téléphoner à Béji Caïd Essebsi, président de Nida Tounes (centre-gauche), et à Hamma Hammami, porte-parole du Parti des Travailleurs et leader du Front populaire (gauche radicale), pour les informer d'un plan terroriste visant à les tuer. Il leur conseille, au passage, de prendre des précautions et de limiter au maximum leurs déplacements.

Il ne fallait pas tant pour provoquer une psychose dans les rangs de ces deux partis, qui constituent les deux principales composantes de l'opposition au parti islamiste Ennahdha... et pour leur faire abandonner leurs programmes de célébration de la Fête de l'Indépendance.

Et comme par hasard, Ennahdha, qui n'a jamais célébré cette fête, pour sa symbolique nationaliste et pour sa connotation bourguibienne, par référence à Habib Bourguiba, libérateur de la Tunisie et son premier président, et ennemi juré des islamistes pour ses choix progressistes, modernistes et pro-occidentaux... Le parti Ennahdha, et ses satellites, décident donc de célébrer cette date historique et d'investir l'Avenue Habib Bourguiba, avec les drapeaux de leur parti, des pancartes à l'effigie du président islamiste égyptien déchu Mohamed Morsi et des fameux signes de Rabaa, devenu le symbole de ralliement des Frères musulmans.

Résultat : il n'y a eu, aujourd'hui, sur l'avenue centrale de la capitale, que des islamistes...

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Ennahdha - LPR: plus que des accointances, un combat commun contre un même ennemi. 

Les mal-pensant disent – et ils n'ont peut-être pas totalement tort – que la très opportune «alerte assassinat» de Caïd Essebsi et Hamma Hammami n'avait d'autre objectif que de dissuader les opposants à Ennahdha de défiler, comme ils le faisaient d'habitude, dans les artères de Tunis, et de livrer ainsi la capitale aux partisans et alliés du parti islamiste.

Si cette hypothèse s'avère juste, une première conclusion: le très «indépendant» ministre de l'Intérieur aurait montré, à cette occasion, de quel machiavélisme il est capable. D'autant que ses services n'ont pas eu à beaucoup se déployer aujourd'hui. Et pour cause : il n'y avait qu'une seule équipe sur le terrain, et elle jouait son propre match, gagné d'avance, grâce à un arbitrage maison !

Seconde conclusion, et elle est encore plus triste que les célébrations auxquelles nous avons assisté jeudi matin à Tunis : les dirigeants de l'opposition se sont montrés, encore une fois, trop naïfs, et se sont laissés rouler dans la farine comme des amateurs. La fête de l'indépendance s'étant transformé en une célébration des «grandes réalisations» (sic!) des deux gouvernements Ennahdha et de la victoire du parti islamiste aux prochaines élections. Une victoire annoncée aujourd'hui à cor et à cri par Ennahdha, les LPR et les autres.

Troisième conclusion, et elle donne froid au dos : pour Ennahdha et ses alliés, la menace terroriste a finalement du bon, puisqu'elle sert leurs intérêts et dessert ceux de leurs opposants. Les cibles (et les victimes) étant toujours d'un seul côté...