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Les députés du parti islamiste Ennahdha manigancent à l'Assemblée pour inscrire dans le code électoral la possibilité pour les analphabètes de se faire accompagner par des citoyens lettrés. On connait l'objectif de cette manoeuvre...

Par Moncef Dhambri

Avec les deux millions d'analphabètes que compte la Tunisie, sinon plus, il est évident qu'aux prochains scrutins cet électorat non-négligeable puisse susciter les convoitises les plus fortes et, peut-être même, inspirer les intentions les plus malsaines et les plus malhonnêtes.

Le poids électoral de ces citoyens tunisiens qui ne savent ni lire ni écrire pourrait, en effet, déterminer de manière décisive l'issue des premières législatives et présidentielle de la nouvelle Constitution tunisienne. Aucune formation politique ne laissera passer l'occasion de miser gros sur le vote de ces «petites gens» qui n'ont pas fréquenté les écoles de la République.

Le paquet de Choco Tom, compris!

L'Association tunisienne pour l'intégrité et la démocratie des élections (Atide), constamment sur le qui-vive, met en garde contre la tentation facile à laquelle pourraient succomber certains de nos partis politiques.

Moez Bouraoui, président de Atide, invité mardi de l'émission ''Ness Nessma News'', a déploré le peu d'attention que portent les observateurs et, plus généralement, l'opinion publique à ce qui se déroule ces jours-ci à l'Assemblée nationale constituante (ANC), notamment la rédaction par les représentants du peuple de la première mouture de la nouvelle loi électorale, c'est-à-dire le texte qui régira les prochains scrutins législatif et présidentiel.

Pour M. Bouraoui, il serait «criminel» que pareille mesure législative se fasse ainsi pratiquement à l'insu du peuple, en petit comité restreint – d'une petite treizaine de constituants!

Si les choses se poursuivent, et il y a tout lieu de le craindre, Ennahdha ficellera un texte sur «ses» mesures qui lui permettra de rafler les prochaines mises électorales. La formule du vote des analphabètes parmi nos concitoyens n'a toujours pas été définitivement arrêtée, mais l'on peut parier que les stratèges de Montplaisir feront tout pour que ce bloc électoral tombe dans son escarcelle. Et pour cette cause nahdhaouie, tous les moyens seront bons: de l'accompagnateur alphabète qui glissera «le petit billet» dans la poche de l'électeur illettré à l'influence irrésistible du patriarche qui s'autoproclame mandataire sur son épouse et autres électrices de sa famille, en passant par les camionnettes de ramassage électoral et autres formes diverses et variées d'encouragement – le paquet de Choco Tom, compris!

L'intérêt des islamistes pour les électeurs illettrés

Certes, les statistiques sur l'analphabétisme ne sont pas entièrement fiables, mais nous savons empiriquement que si la totalité des électeurs illettrés tunisiens se décident à voter, lors des prochaines élections, la formation politique qui bénéficiera de leur seule faveur électorale pourrait assez facilement obtenir un bon quart des sièges du prochain parlement.

Sans avoir à pousser plus loin notre analyse, il est possible de faire un petit calcul d'épicier pour démontrer qu'Ennahdha sera objectivement le parti qui sera le plus tenté de jouer cette carte de l'électorat analphabète, pour plusieurs raisons.

La machine électorale nahdhaouie a déjà fait ses preuves sur ce terrain, lors des élections du 23 octobre 2011. Moyennant quelques petites rectifications et ajustements, les Nahdhaouis devront pouvoir tirer leur épingle du jeu, cette fois-ci également.

L'attention particulière que porteront les islamistes à nos électeurs illettrés pourrait, accessoirement, être agrémentée de quelque discours électoral très terre-à-terre : des thèmes de campagne comme «nos candidats sont des honnêtes gens qui craignent Dieu», «l'opposition est mécréante» ou «ils nous mis les bâtons dans les roues», etc. feront le reste...

Les modernistes et les progressistes sont donc avertis. La course est totale et Ennahdha s'est retiré sur son QG de Montplaisir pour étudier tous ces détails stratégiques. Les islamistes sont minutieux, nous le savons. Ils ne laisseront rien au hasard.