jebali ghannouchi

Hamadi Jebali quitte le parti politique créé après le 14 janvier 2011, et non le mouvement islamiste pour lequel il avait prêté allégeance.

Par Moncef Gouja

La démission de Hamadi Jebali du secrétariat général d'Ennahdha n'est pas, comme certains ont tendance à le croire, un simple partage des rôles, entre lui et Rached Ghannouchi, le président du parti islamiste, mais une tentative de sauvetage du bateau qui coule, coule... certes avec la discrète connivence du Guide.

Tentation de la Liberté et devoir d'allégeance

Hamadi Jebali quitte le parti politique créé après le 14 janvier 2011, et non le mouvement islamiste pour lequel il avait prêté allégeance («bay'a»), et qui ne peut en aucun cas être retirée («khala'a») sauf dans le cas de la débauche («baghy») de l'émir, lequel émir avait prêté allégeance, lui aussi, au Guide suprême des Frères musulmans.
Tous ceux qui connaissent l'histoire de la Jamaa Islamia depuis sa fondation par Hassan Al-Banna en 1926, ainsi que l'histoire des confréries et organisations secrètes, connaissent ces principes. Ils savent que seule la mort du Guide ou sa destitution, pour une raison religieusement valable, peuvent rendre caduque cette allégeance. Car, pour un frère, mourir sans avoir fait une «baya'a», c'est mourir en paganiste («man mata walaysa fi raqabatihi baya'a, mata mawtatan jahiliya»).

En politicien averti, Hamadi Jebali sait que les Frères musulmans, à travers le monde arabe et musulman, vont subir l'inquisition parce qu'il s'agit bien d'une nouvelle inquisition («mihna») et que le crépuscule de l'islam politique triomphant a déjà commencé en Egypte et va se propager, d'abord en Orient et ensuite au Maghreb.

chute freres musulmans

Le crépuscule de l'islam politique a déjà commencé en Egypte.

Les «Frères musulmans» à la trappe

C'est l'organisation mère, la matrice de tous les mouvements locaux qui risque d'être décimée par la violence comme l'attestent les condamnations à mort et les massacres des «Frères» égyptiens ainsi que les mesures prises par les monarchies du Golfe en classant les «Frères musulmans» parmi les organisations terroristes avec les terribles conséquences que cela suppose pour tous ses adeptes qui n'auront même plus le droit de faire le pèlerinage à la Mecque.

Une hémorragie grave va frapper, à coup sûr, les mouvements qui se réclamaient ou qui se réclament encore de cette confrérie, et beaucoup vont hésiter avant de reconduire leur adhésion ou se réclamer de cette obédience devenue dangereusement compromettante.

En quittant la barque avant l'heure du naufrage total, Hamadi Jebali fait ce qu'a tenté Abdelfattah Mourou et d'autres après l'attentat terroriste de Bab Souika, en 1991, attribué aux islamistes, car le danger ne vient pas seulement de l'intérieur mais surtout de l'extérieur et la sortie humiliante d'Ennahdha du gouvernement le prouve.

C'était un geste de survie que M. Ghannouchi avait esquissé tardivement mais dont Hamadi Jebali et Abdelfattah Mourou avaient compris l'opportunité en invité leurs «Frères» à le faire juste après l'assassinat du dirigeant de gauche Chokri Belaïd par des extrémistes de la mouvance islamiste.

Un mouvement secret, très secret

Evidemment, ni Jebali ni aucun autre membre d'Ennahdha, qui quitte le parti islamiste ou qui y reste, ne donnera et approuvera de telles explications et ils s'empresseront de brouiller les pistes comme tous les adeptes des mouvements secrets qui se respectent, selon le fameux principe de la dissimulation («taqiyya»), car bien qu'ayant une couverture légale et publique, Ennahdha continue d'être un mouvement secret, très secret. Seuls les «initiés» parmi ses dirigeants connaissent tous ses rouages et autres subtilités.

Les différentes déclarations de Jebali sont non seulement ambiguës, mais elles envoient des messages codés, car, bien informé et bien conseillé, il tente de quitter le bateau sans courir le risque d'être catalogué comme renégat et continue de tendre la perche à Ghannouchi qui, lui, ne pourra pas facilement renier son sermon et sa «baya'a», sauf par éventuellement une «fatwa» spéciale du Guide suprême des Frères musulmans. Pire, on lui propose même de prendre la tête de l'Organisation.

Décidément, ces Egyptiens sont des incorrigibles. Mais on peut raisonnablement estimer que Ghannouchi, cette fois-ci, ne va pas les suivre. Il l'a déjà fait savoir à qui veut bien l'entendre: on n'a jamais été des «Frères», a-t-il fait savoir récemment, en commentant le classement des Frères musulmans comme organisation terroriste par l'Arabie saoudite!