Le parti islamiste Ennahdha va-t-il vraiment empêcher l'adoption d'un article, dans le code électoral, visant à exclure les figures de l'ancien régime?
Par Moncef Gouja
Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, a déclaré, vendredi, lors d'une conférence organisée par le centre «Islam et Démocratie», que son parti est opposé à l'inclusion, dans le code électoral qui sera bientôt adopté par l'Assemblée nationale constituante (ANC), d'un article stipulant l'exclusion des anciens dirigeants et cadres du Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD, ancien parti au pouvoir dissous) des futurs scrutins électoraux.
Le député et ancien président de la commission politique du même parti, Amer Larayedh a abondé dans le même sens. Alors que Nejib Chebbi a réitéré la position de son parti, Al-Jomhouri, sur les colonnes d'un quotidien de la place, en se disant opposé, lui aussi, à toute forme d'«exclusion collective». Il faut laisser le peuple faire le choix qui lui convient, a-t-il expliqué.
Béji Caïd Essebsi, leader du parti Nida Tounes, qui compte de nombreux ex-dirigeants et membres du RCD, était le premier à monter au créneau, lundi dernier, dans un entretien à NessmaTV, en menaçant de boycotter les élections si jamais la fameuse loi d'exclusion est votée par l'Assemblée, dominée par les islamistes d'Ennahdha.
Rappelons, à ce propos, que des partis alliés d'Ennahdha, dont Ettakatol, le Congrès pour la République (CpR) et Wafa, sont les initiateurs de l'article en question, qu'ils sont arrivés à faire passer en commission parlementaire, en attendant son examen en séance plénière.
Face à toutes ces manoeuvres, les partis destouriens opposent un silence assourdissant, faisant comme si le problème était réglé et comme s'ils ont eu des assurances de la part d'Ennahdha qu'il va empêcher l'adoption de cet article.
Les Rcdistes sauvés par Ennahdha? Cela ne s'invente pas...
En fait, tout se passe comme si le parti qui a le contrôle de l'Assemblée joue au chat et à la souris avec les Destouriens...
Quoi qu'il en soit, Ennahdha connaît mieux que quiconque les conséquences politiques d'un tel article et tient à montrer, non sans arrogance, qu'il continue de contrôler le jeu politique. Sur un autre plan, le parti islamiste tente de séduire l'électorat «Rcdiste» surtout dans les régions rurales où il sera très difficile de voir les partis laïcs percer.
On peut dire, à ce propos, qu'Ennahdha est en train de gagner sur tous les tableaux, réussissant à apparaître comme un parti modéré, très attaché à l'unité nationale et aux compromis politiques. Tout en s'arrangeant d'envoyer ses satellites jouer aux trouble-fêtes et aux ultra «révolutionnaires»!
L'enjeu en vaut la chandelle!