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Un think-tank américain accuse le gouvernement Larayedh de collusion avec les salafistes qui ont attaqué l'ambassade américaine à Tunis.

Par Moncef Gouja

Sarah Chayes n'est pas n' importe qui. Elle est conseillère de Generals David Mc Kierman and Stanly Mc Chrystal, commander of the international Security Assistance Force (ISAF) et membre Senior du think-tank américain Carnegie Endowment for International Peace.

L'«engagement musclé» de l'UGTT

Le 27 Mars 2014, elle publie un article, sur le site de Carnegie intitulé: «How a leftist Labor Union force Tunisia's political settlement» (Comment un syndicat gauche impose une solution politique en Tunisie), où elle livre une autre analyse de l'évolution de la situation politique en Tunisie, accordant un rôle décisif à l'Union générale tunisienne du travail (UGTT) qu'elle considère comme une force de gauche, ainsi qu'à la société civile, tout en minimisant le rôle des partis et des ONG, et considère que si la Tunisie échappe toujours aux bains de sang dans lequel nagent les autres pays du «Printemps arabe», c'est grâce à l'engagement musclé («the muscular involvement») de la centrale syndicale, qui compte plus de 50.000 adhérents, quadrille tout le pays et s'adosse à une forte légitimité historique.

Selon la spécialiste, le parti islamiste Ennahdha a été contraint de quitter le pouvoir. C'est donc, selon elle, la force de l'UGTT, qui a imposé au parti islamiste de faire des concessions et non les partis et les ONG, et encore moins la modération d'Ennahdha, comme ont tendance à le penser des analystes occidentaux.

De «mystérieuses circonstances»

Dans une brève rétrospective des évènements, qui ont suivi la prise du pouvoir par Ennahdha, Sarah Chayes revient sur l'attaque de l'ambassade des Etats-Unis à Tunis, le 14 septembre 2012, et accuse clairement le gouvernement de l'époque, conduit par l'islamiste Ali Larayedh, de connivence. Elle écrit: «The circumstances of the assault suggested officiel collusion» (Les circonstances de l'attaque suggèrent une implication officielle). Et poursuit: «The well-orchestred convoy enjoyed police protection along 4 mile route to the US Embassy» (Le convoi bien organisé bénéficiait de la protection de la police tout au long de son itinéraire jusqu'à l'ambassade des États-Unis long de près de 7 km).

Plus loin, elle parle des mystérieuses circonstances qui ont entouré la fuite de Abou Iyadh, le leader du groupe salafiste jihadiste Ansar Charia, de la Mosquée Al-Fath, à Tunis, dont l'ancien imam, rappelle-t-elle, n'était autre que l'ex-ministre des Affaires religieuse, Noureddine Khademi.

Que vont se dire Obama et Jomaa?

Curieusement, cet article, qui revient sur des faits anciens et n'aborde pas la phase du gouvernement Mehdi Jomaa, est mis en ligne le 27 mars 2014, quelques jours avant la visite du successeur de Ali Larayedh aux Etats-Unis, où il va discuter avec le président Barack Obama du «Dialogue stratégique», comme pour rappeler que la responsabilité de l'Etat tunisien à propos de l'attaque de l'ambassade US reste totale et que les Américains connaissent parfaitement les coupables. Et c'est normal! Comment peut-on être aussi naïf et croire que les Américains vont oublier et tourner la page d'un aussi humiliant acte de Barbarie?

Le problème c'est que c'est toute la Tunisie qui va payer les frais politiques et en monnaies sonnantes et trébuchantes, les fautes graves commises par des apprentis «hommes d'Etat».

Le blackout qui entoure les voyages du Premier ministre à l'étranger et notamment pour ce futur voyage aux Etats-Unis, n'est pas pour rassurer, surtout que Mehdi Jomaa va discuter «stratégie» avec la première puissance du monde. Alors que notre avenir se joue dans les quelques mois qui viennent et que, de leurs côtés, les think-tanks et autres boites à conseiller travaillent sérieusement sur «la petite Tunisie», on continue à palabrer et à se chamailler pour des sujets insignifiants, comme si le «dialogue stratégique» ne sera qu'un monologue et, même si c'est le cas, faisons semblant au moins de nous y intéresser pour sauver les apparences.