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Le référendum interne sur la tenue ou non de son 10e congrès traduit l'état de division actuel d'Ennahdha et le désarroi de ses dirigeants.

Par Moncef Dhambri

Les islamistes d'Ennahdha ont organisé, le week-end dernier, un référendum interne sur la tenue ou le report du 10e congrès de leur parti, avant les élections législatives et présidentielle de 2014 (?).

Les résultats primaires de cette consultation, qui ont été annoncés, mardi, par le président de cette opération, l'ancien ministre nahdhaoui de la Justice Noureddine B'hiri, disent qu'une confortable majorité de Nahdhaouis (70, 31%) préfèrent reporter la tenue de ces assises, contre un peu plus du quart (28,91%).

Ainsi, la base du parti islamiste en a voulu: un total de 38.682 adhérents à Ennahdha, en Tunisie et à l'étranger, se sont prononcé sur cette question de savoir s'il fallait tenir le prochain congrès d'Ennahdha avant les élections nationales, prévues pour cette année, ou reporter cette conférence...

Un tour de passe-passe

Lors de la présentation des résultats de cette consultation référendaire «inédite», Noureddine B'hiri, comme de bien entendu, a mis l'accent sur «la nature démocratique, libre, indépendante, transparente, etc.» de cette opération qui, selon lui, «devrait servir d'exemple aux autres partis».

Laissons aux islamistes l'autosatisfaction d'avoir organisé pareille opération et d'avoir même pu montrer à notre nouvelle Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE), et à toute la nation, comment permettre aux analphabètes et handicapés d'Ennahdha de prendre part à cette consultation.

Accordons leur ce droit de se gargariser de tous ces grands mots, mais gardons pour nous, aussi, le droit de dire ce que les dirigeants nahdhaouis refusent d'avouer à eux-mêmes et à l'opinion publique nationale – et à la communauté internationale.

Deux ou trois observations suffiront pour démonter ce tour de passe-passe référendaire.

Tout d'abord, il y a cette maigre, très maigre participation: que représente ce total d'un peu plus de 38.000 Nahdhaouis qui ont pris part au référendum? Il est clair que nous sommes loin, très loin, du million et demi d'électeurs qui ont choisi de mettre une croix dans la case Ennahdha du bulletin de vote, le 23 octobre 2011. Cet élan islamiste de l'électorat tunisien, qui a valu au parti de Rached Ghannouchi, avec sa quatre-vingt-dizaine de sièges à l'Assemblée constituante (ANC), de régner en maître tout au long de la rédaction de la Constitution, de former un premier et un deuxième gouvernements, de placer un allié à la tête de l'Assemblée nationale constituante (ANC) et un autre associé au Palais de Carthage... cet élan électoral se serait, donc, nettement réduit.

Bien évidemment, nous répondra-t-on, les deux opérations (celle de l'élection de l'ANC et celle du référendum du week-end dernier) sont différentes et, logiquement, ne devraient pas susciter les mêmes enthousiasmes, les mêmes mobilisations. Faisons, tout simplement, observer que les 38.000 représentent moins de 3% du million et demi d'électeurs qui ont voté pour Ennahdha, le 23 octobre 2011.

Nous ne nous attarderons pas sur les raisons qui ont pu être à l'origine de ce fossé entre le soutien populaire important qu'ont obtenu ces «candidats (d'Ennahdha) honnêtes et qui craignent Dieu» et la participation très réduite au référendum sur la tenue du congrès islamiste. Rappelons, seulement, que les deux ans ou plus des gouvernements Troïka 1 et 2 ont mis à l'épreuve la «compétence» des Nahdhaouis, démontrer leurs incapacités à diriger les affaires du pays et explique qu'aujourd'hui les âmes innocentes qui ont fait confiance au parti islamiste se soient ravisées et qu'elles aient à présent une idée toute autre sur «l'islamo-démocratie»...

Les yeux fermés et les bouches cousues

Quant à la décision, qui ressort de cette consultation référendaire, de reporter la tenue du congrès d'Ennahdha, elle en dit long sur les doutes qui minent le parti de Montplaisir. Tout simplement, les dirigeants islamistes refusent de «se regarder dans la glace».

Un congrès aurait donné l'occasion aux Nahdhaouis de dresser le bilan dévastateur de leur passage au pouvoir, les pertes souffertes par la Tunisie, durant cette période, et la manière avec laquelle les islamistes et leurs alliés ont perdu la direction des affaires du pays. Des critiques accablantes auraient été exprimées, lors de ces assises, et, s'il y avait une véritable pratique démocratique au sein d'Ennahdha (?), des têtes seraient tombées.

Ainsi, Rached Ghannouchi et ses disciples préfèrent aller aux élections législatives et présidentielle «les yeux fermés» (et les bouches, aussi!), avec l'espoir que la formule magique «des candidats honnêtes qui craignent Dieu» aura les mêmes effets qu'en ce jour du 23 octobre 2011.

Un congrès aurait peut-être donné l'occasion de délier les langues de certains Nahdhaouis réfractaires, pour dire quelques vérités sur les erreurs islamistes et les dégâts dont la Tunisie a souffert, sous leur direction, et continuera d'en payer les prix élevés... Un congrès aurait donné lieu à une révision des structures nahdhaouies et un remplacement de l'actuelle direction du parti islamiste. Un congrès aurait obligé les islamistes de répondre à de nombreuses questions –en autres, qui a mis Hamadi Jébali, le numéro 2 du parti, hors jeu et pour quelles raisons?

Est-ce réellement une chance pour l'opposition? Ceux qui n'aiment pas Ennahdha et s'impatientent de voir ce parti dépérir répondraient volontiers par l'affirmative.