Lors de son voyage aux Etats-Unis, le Premier ministre Mehdi Jomaa a eu le mérite de mettre le politique au service de l'économique : on ne peut avoir l'un sans l'autre.
Par Moncef Dhambri
A la prestigieuse Columbia Business School (CBS) de New York, mardi dernier, Mehdi Jomaa a eu l'occasion de présenter le dossier tunisien à un auditoire de spécialistes en économie, mettant l'accent sur la notion de «la Tunisie, une start-up de la démocratie». Il s'agissait là d'un bon choix de mots, ciblant précisément un parterre d'hommes d'affaires, d'enseignants et d'étudiants en économie.
«Start-up de la démocratie»
Dans la salle de conférence, il y avait des étudiants tunisiens de la Business School et, l'on a cru reconnaître également un professeur tunisien, Kamel Jedidi, une sommité de la CBS qui officie dans ce temple académique depuis 1987.
Le voyage américain de Mehdi Jomaa n'a peut-être pas réalisé des résultats extraordinaires. Hormis son impact médiatique et sa dimension diplomatique qui sont indéniablement utiles pour notre pays. Concrètement, ce déplacement a dû se contenter de l'écoute attentive, de la compréhension et du soutien politique et moral de l'administration Obama.
Dans l'immédiat, et c'est ce qui compte pour notre Premier ministre provisoire et son équipe de technocrates, la Tunisie a eu l'occasion de plaider directement sa cause auprès de l'opinion américaine et de présenter son dossier de «start-up de la démocratie»: cette formule judicieuse a le mérite évident d'allier le politique et l'économique et d'expliquer que l'on ne peut avoir l'un sans l'autre.
Mehdi Jomaa, dans une franchise désormais sa marque de fabrique, a reconnu que le prix de la révolution a été très élevé : «Nous avons oublié l'économie, mais l'économie, elle, ne nous a pas oubliés», a-t-il dit, rappelant les tâches qu'il s'est fixé pour rattraper les retards et réparer les dégâts, à savoir réformer et restructurer le gouvernement et attirer les investissements. Pour cela, selon lui, la Tunisie offre une «nouvelle visibilité» à qui souhaiterait investir dans notre pays: l'impasse politique qui est derrière nous, une nouvelle constitution, une situation sécuritaire meilleure et notre tradition de modération.
Profitant de cette présence de M. Jomaâ à la CBS, des étudiants tunisiens ont eu l'occasion de lui poser des questions et de tirer des conclusions sur la prestation du chef de gouvernement.
Pour Ahmed Mrad, cité par le ''Columbia Spectator'', quotidien de la CBS, le Premier ministre «a réussi son opération marketing du produit Tunisie. Il a tout dit sur les aspects positifs (...), sur la transition démocratique, sur le fait que nous sommes vraiment un peuple modéré (...) et que nous recherchons le dialogue».
Les étudiants tunisiens à la CBS étaient attentifs aux explications de Mehdi Jomaa.
Le riche potentiel interne
Amel Abid, une autre étudiante tunisienne à la CBS, est quelque peu restée sur sa faim: «Il y a un certain nombre de questions auxquelles il n'a pas répondu. J'ai voulu savoir ce qu'il pensait de l'investissement national et si son gouvernement avait à l'esprit le fait que notre pays possède un riche potentiel de ressources internes qui pourraient être mises à profit, peut-être beaucoup plus avantageusement que l'investissement externe... Cela dit, je demeure optimiste quant à la voie que nous suivons».
Une autre voix tunisienne a préféré garder le silence, celle de Kamel Jedidi qu'il nous semble avoir reconnu sur la vidéo de cette conférence. Pr. Jedidi s'est contenté de faire les présentation et introduction d'usage, pour se retirer sur la pointe des pieds et laisser ainsi le terrain aux autres.
Cette discrétion porte tous les signes de la véritable intelligence, celle qui est gratuite et généreuse, celle dont l'unique préoccupation reste le résultat de ce qu'elle est capable de produire et d'inventer. Selon toute vraisemblance, Kamel Jedidi possède cette intelligence...