Les partisans du Front populaire ont célébré la fête des Martyrs par une marche à Tunis, pour exiger la vérité sur les assassinats de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi.
Par Yüsra N. M'hiri
Quelques centaines de partisans du Front Populaire, rassemblant plusieurs partis de la gauche radicale, et des représentants de la société civile ont défilé à l'avenue Habib Bourguiba, au centre-ville de Tunis, en hommage aux martyrs de la nation, à l'occasion du 76e anniversaire des événements du 9 avril 1938 (22 morts et 150 blessés), date clé dans le processus de libération nationale et de l'indépendance de la Tunisie, acquise en 1956.
Hamma Hammami et Zied Lakhdar récitent la fatiha sur les tombes de Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, sous le regard de Adnene Brahmi.
Les participants au défilé avaient une pensée particulière pour Chokri Belaïd et Mohamed Brahmi, Mohamed Belmufti et Wajdi Ajlani, martyr des mouvements de gauche, dont les portraits ornaient l'Avenue Habib Bourguiba. Dans leurs banderoles et slogans, ils ont appelé le gouvernement à révéler la vérité sur les assassinats de Chokri Belaïd (6 février 2013) et Mohamed Brahmi (25 juillet 2013), considérant que l'arrestation de ceux qui ont appuyé sur la gâchette reste insuffisante, tant que les commanditaires n'ont pas été arrêtés et jugés.
Salah et Abdelmagid Belaïd ont du mal encore à sécher leurs larmes.
La plupart des slogans scandés par les manifestants étaient hostiles au précédent gouvernement et, particulièrement, au parti islamiste Ennahdha et à son président Rached Ghannouchi. On a également entendu des appels à traduire en justice Ali Larayedh, l'ex-ministre de l'Intérieur et chef du gouvernement provisoire, pour laxisme et complicité dans les meurtriers de Belaïd et Brahmi.
Les filles du martyr Mohamed Brahmi au premier rang des manifestants.
Plusieurs dirigeants du Front Populaire étaient présents, notamment Hamma Hammami, Zied Lakhdhar, Mourad Amdouni, Ahmed Seddik, Basma Belaïd et autres Lotfi Ben Aïssa.
On a profité de l'occasion pour annoncer officiellement que Hamma Hammami sera le candidat du Front populaire pour la prochaine élection présidentielle. «C'était le vœu de Chokri Belaïd. Il avait, peu de temps avant sa mort, fait le souhait de voir Hamma Hammami se porter candidat au nom du Front populaire, et c'est ce qui se fera», a dit Ahmed Seddik.
Les dirigeants du Front populaire en rangs serrés derrière Hamma Hammami.
Les filles de Mohamed Brahmi étaient également présentes. Courageuses et fières, elles levaient la main avec le signe de la victoire et promettant de ne jamais abandonner le combat, jusqu'à ce que justice se fasse.
Ahmed Seddik a réitéré l'appel à la dissolution des Ligues de la protection de la révolution (LPR), «milices des islamistes qui ne raisonnent et n'agissent que par la violence», a-t-il souligné, ajoutant que la feuille de route issue du dialogue national, auquel tous les partis ont participé, stipule, entre autres exigences, la dissolution de ces LPR qui constituent une menace pour la paix civile.
D'ailleurs, non loin de là, sur la même avenue, les LPR célébraient, eux aussi, la fête des Martyrs, en tenant un meeting devant le théâtre municipal de Tunis. Ils étaient une cinquantaine, agitant des portraits de Imed Dghij et appelaient à sa libération. «Imed est l'homme de la révolution, c'est grâce à lui que nous sommes libres et que nous pouvons nous exprimer», criaient-ils. Les LPR n'ont évidemment pas oublié, comme à l'accoutumée, de brandir le signe «Rabâa» des Frères musulmans égyptiens, comme pour bien marquer leur appartenance idéologique et politique.
La fille du martyr Mohamed Brahmi a de qui tenir...
Pour éviter des altercations avec ces fanatiques, qui n'hésitent pas à recourir à la violence et recherchent même la bagarre, les partisans du Front populaire ont préféré raccourcir leur marche habituelle jusqu'au théâtre municipal et sont restés rassemblés sur le terre-plein central de l'Avenue, en face du ministère de l'Intérieur.
La famille Belaïd, pour sa part, a mis à la disposition des manifestants un livre d'or où chacun a laissé un message à la mémoire des martyrs. «Vous êtes tombés pour nous; soulevons-nous pour vous !», a écrit un jeune qui, en signant, avait les larmes aux yeux...