Pourquoi pas une loi qui permet de récupérer les «repentis» parmi les jeunes tunisiens qui se sont impliqués dans la guerre civile syrienne?
Par Moncef Gouja
C'est à partir de Washington, ou une journaliste d'un quotidien tunisien l'avait interviewé, que Ridha Sfar, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Intérieur chargé de la sécurité, a lancé une idée qui pourrait s'avérer essentielle pour lutter contre le terrorisme et visant notamment les jeunes tunisiens qui se sont impliqués dans la guerre civile syrienne.
Il s'agit de promulguer une loi permettant de récupérer ceux qui ont commis des crimes, notamment des meurtres, qu'on appelle communément les «repentis», afin de les encourager à quitter ces organisations terroristes, qui les ont embrigadés, endoctrinés, entrainés et envoyés au combat, et les inciter à collaborer avec la justice de leur pays et éventuellement avec sa police aussi.
Renseignement et guerre psychologique
L'idée n'est pas nouvelle. L'Algérie de Bouteflika l'avait utilisée pour lutter contre la guérilla islamiste, non sans succès, et dans les années soixante-dix par l'Italie pour démanteler les Brigades rouges. La justice américaine ainsi que le FBI et la CIA ont toujours utilisé des procédés analogues. Les résultats dépassent souvent ce qui est espéré surtout en matière de renseignement et de guerre psychologique.
Ridha Sfar devrait mieux expliciter son idée à propos de la loi sur les repentis.
Les «repentis» ne sont pas des «retournés» ou des «infiltrés», car la loi leur accorde des droits et des obligations. La même loi a servi en Italie pour lutter contre la Mafia et les grands coups portés par la justice italienne à la Cosa Nostra et à la Camorra ont été rendus possibles grâce à cette législation.
Le secrétaire d'Etat, en lançant cette idée, va mettre la classe politique et notamment les élus de l'Assemblée nationale constituante (ANC) devant un dilemme. Alors que des gens, pour des délits et des crimes beaucoup moins graves, sont jetés en prison pour de longues années, comment accepter de passer l'éponge ou de chercher des circonstances atténuantes pour des terroristes, qui ont commis des meurtres, des viols ou d'autres crimes sévèrement condamnables par les lois en vigueur?
Jusqu'à maintenant, seules des démocraties bien assises et des sociétés assez évoluées ont promulgué de telles lois. Même la France et d'autres Etats de droit n'ont jamais osé aller jusque-là. La société tunisienne elle-même, pourtant assez tolérante, va avoir du mal à l'accepter, sans compter l'aspect religieux de la question qui ne tarderait pas à se poser.
Le secrétaire d'Etat a précisé que les membres de l'organisation Ansar Charia ne seraient pas concernés par une telle loi, sans en expliquer les raisons. Un terroriste n'est-il pas un terroriste, quelle que soit la structure à laquelle il appartient? Les jeunes qui sont embrigadés sont les mêmes qu'ils soient partis tuer ou se faire tuer, en Syrie, au Mali, en Libye, en Algérie ou en Tunisie.
Un moyen de contrer le terrorisme
L'idée aura le mérite de relancer un débat sérieux et concret sur les moyens de contrer le terrorisme, loin des slogans creux que lancent à tout bout de champ des pseudos spécialistes qui envahissent les plateaux de télé.
Les partis politiques et les associations de la société civile doivent s'impliquer dans la recherche de solutions pour endiguer ce fléau qui frappe nos jeunes, surtout que leur nombre grandit de jour en jour.
La guerre contre le terrorisme n'est pas une villégiature car elle est longue, coûteuse et dangereuse. Elle n'est pas uniquement nationale mais de plus en plus internationale. Et elle est surtout d'un genre nouveau. Du succès ou de l'échec dans cette guerre dépendra l'avenir de la Tunisie à court, à moyen et à long termes