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La Tunisie est en train de se mettre sous la tutelle de l'Union européenne, du FMI et de la Banque Mondiale. Mais a-t-elle le choix?

Par Imed Bahri

En août 2013, la Tunisie a officiellement sollicité de l'Union européenne (UE) une «assistance macro-financière». Il a fallu attendre le 26 février 2014 pour que le représentant du Conseil de l'Europe envoie une lettre approuvant la position du Parlement européen. Ce dernier votera, le 16 avril, cet accord d'«assistance macro-financière». 300 millions d'euros viendront donc renflouer les caisses de l'Etat tunisien, déjà mises à mal par l'énorme déficit commercial, qui a poussé le gouverneur de la Banque centrale à parler d'effondrement («inhiyar»). Mais il s'agit bel bien d'un prêt et non d'un don. Le contraire nous aurait surpris...

Une aide conditionnée

Les deux dons d'une valeur de 290 millions et de 155 millions d'euros ont déjà été accordés pour la période 2011-2013 aux gouvernements Caïd Essebsi, Jebali et Larayedh. Sans résultat puisque, selon le préambule de la décision européenne, «la balance de paiement continue de présenter un important besoin de financement extérieur qui dépasse les ressources octroyées par le FMI et d'autres institutions multilatérales».

L'objectif de cette assistance est de soutenir «le rétablissement de la viabilité des finances extérieures» et compléter les programmes du FMI et de la Banque mondiale. La Tunisie a été déclarée éligible, en raison du fait qu'elle fût considérée, après de longues négociations depuis 2008 entre l'Etat tunisien et l'UE, comme un pays couvert par la Politique européenne de voisinage (PEV).

En effet, l'accord d'association étant entré en vigueur le 1er mars 1998, notre pays, selon le Parlement européen, a «achevé la suppression des droits de douanes sur les produits industriels en 2008» et honoré donc ses engagements. Il fût, en effet, le premier pays du sud de la Méditerranée à établir une zone de libre-échange avec l'UE, à cette date.

Mais le constat du Parlement Européen est sans appel concernant l'état actuel de notre économie. Selon lui, «l'économie tunisienne a considérablement pâti des événements intérieurs liés aux évolutions intervenues dans les pays du sud de la Méditerranée depuis fin 2010, connus sous le nom du ''printemps arabe'' et par l'agitation qui en a découlé dans la région particulièrement en Libye voisine», ainsi que de la récession dans la zone Euro. Le ralentissement de la croissance et les importants déficits de financement extérieur et budgétaire viennent de ça. Mais l'adoption de la nouvelle constitution, qui «comporte quelques avancées dans le domaine des droits et libertés fondamentaux», met la Tunisie sur «la voie de la démocratie et de l'Etat de droit».

A aucun moment le document voté par le Parlement européen ne parle de «révolution» ni de démocratie établie. En conséquence, l'assistance macro-financière sera, comme il est dit clairement, «subordonnée à la condition préalable que la Tunisie respecte les mécanismes démocratiques effectifs, notamment le pluralisme parlementaire et l'Etat de droit et garantit le respect des droits de l'Homme».

Voilà qui ne souffre d'aucune ambivalence. En d'autres termes, dès qu'elle constate des écarts de la part de l'exécutif tunisien par rapport à ces conditions, la Commission européenne pourra stopper le versement du prêt et accélérer son remboursement avant la fin de l'échéance dans 15 ans.

La Tunisie sous tutelle?

Pour garantir le bon usage du prêt dans «le rétablissement de la balance du paiement» et la bonne application du programme du FMI ainsi que la transparence nécessaire, l'UE se réserve le droit d'envoyer «l'office européen anti-fraude ou sa cours des comptes sur place», sans que le gouvernement tunisien ne puisse s'y opposer. Normal, les Européens tiennent à savoir comment sera dépensé leur argent et la confiance règne.

Sur le plan purement politique, l'objectif de cette assistance est on ne peut plus clair: «Renforcer l'adhésion de la Tunisie aux valeurs qu'elle partage avec l'Union: la démocratie, l'Etat de droit, la bonne gouvernance, le respect des droits de l'Homme, le développement durable et la réduction de la pauvreté, ainsi qu'aux principes du commerce ouvert et équitable fondé sur des règles».

De là à dire que la Tunisie est mise sous tutelle de l'Union européenne, du FMI et de la Banque Mondiale, il n'y a qu'un pas que certains n'hésiteront pas à franchir. Mais a-t-on vraiment le choix?

C'est le processus d'une vraie descente aux enfers qui a débuté avec la montée de l'islam politique au pouvoir et son lot d'instabilité, d'insécurité, de terrorisme, d'assassinats politiques et de mauvaise gouvernance. Certains continuent à vouloir y entrainer le pays. Le gouvernement Jomaa vient de recevoir une bouée de secours! Saura-t-il l'attraper.

Illustration: Visite du commissaire Stefan Füle à Tunis (13-14 mars 2014).