L’affaire des deux employés de l’ambassade tunisienne enlevés en Libye révèle l’incurie et la faiblesse des services de renseignement.
L’impasse dans laquelle se trouve, aujourd’hui, la diplomatie tunisienne et son incapacité à démêler l’écheveau d’un ou deux dossiers de prise d’otage indiquent clairement que le terrorisme a décidé de faire monter la pression d’un autre cran, de déplacer la confrontation avec les autorités tunisiennes sur un nouveau terrain et, une fois de plus, de tester ses forces et sa résistance. Pour l'ex-colonel de la garde nationale et expert en sécurité Ali Zeramdini, la Tunisie a commis des «erreurs récentes et d’autres moins récentes (…) que l’Histoire ne pardonnera pas» et qui, pour l’instant, rendent la tâche très ardue. Invité, hier, sur le plateau de ‘‘Ness Nessma News’’, Ali Zeramdini a dénoncé la décision prise, au lendemain de la Révolution, de dissoudre l’appareil du renseignement tunisien sans avoir prévu aucun autre recours. Accusateur, il lance sans aucun ménagement: «Un Etat qui se respecte est un Etat qui veille à renforcer sa souveraineté, à consolider son appareil des renseignements. Aujourd’hui, nous faisons face à une guerre de terrains: au mont Chaâmbi, dans nos villes et sur nos frontières. (…) Nous sommes confrontés à une guerre des renseignements et une guerre de positionnement. Aujourd’hui, nous payons le prix de nos erreurs récentes. Nous avons commis l’erreur de dissoudre les appareils de l’Etat qui opèrent dans ce domaine vital. Et là, nous nous rendons compte que cette décision a créé un vide énorme et que le remplacement – sous une forme ou une autre – de nos services de renseignements a du mal à se mettre en place. (…) L’Histoire ne pardonnera jamais cette erreur de calcul, cette décision. Oui, nous en sommes là». Le gouvernement de Mehdi Jomaâ, qui se trouve dans cette situation, est donc vraiment à plaindre. «Je comprends le chef du gouvernement lorsqu’il avoue qu’il n’a pas de solution. En effet, il n’a pas les services de renseignements sur lesquels il peut compter. C’est là que l’on réalise la gravité de cette erreur (d’avoir démantelé nos services de renseignements, NDLR)», explique Ali Zeramdini. Plus direct, l’expert en sécurité appelle les lacunes et les faiblesses de nos services de sécurité par leur nom: «Lorsque notre sécurité externe, qui garantit notre sécurité interne, est fragilisée; lorsque vous y placez des personnes incompétentes ou des cadres qui ne sont pas à la hauteur de leurs missions; lorsque vous procédez à des nominations pour des raisons autres que sécuritaires (…), vous vous trouvez donc confronté à une situation difficile. Et c’est ce qui nous arrive aujourd’hui». L’allusion ici est limpide à l’ambassadeur de Tunisie à Tripoli, Ridha Boukadi, mécanicien de son état, nommé à ce poste auquel il n’a jamais été destiné en raison de son appartenance au parti islamiste Ennahdha. La suite on la connait: deux diplomates tunisiens enlevés en Libye, sans que M. l’ambassadeur ne prenne de mesure de prévention pour protéger le personnel de son ambassade. Marwan Chahla Illustration: Ali Zeramdini. |
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