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Lors de sa 1ère visite officielle à Paris, Mehdi Jomaa essayera de «vendre» sa «start up Tunisia» aux Français, disposés à aider la Tunisie, mais comment et, surtout, combien?

Par Imed Bahri

Après Washington, le chef du gouvernement provisoire Mehdi Jomaa se rend en visite à Paris, lundi et mardi. Ce n'est pas une visite d'Etat mais c'est tout comme. Le président François Hollande n'a sûrement pas voulu froisser son «ami» Moncef Marzouki, le président provisoire de la république. L'on sait que, lors de sa dernière visite à Tunis, M. Hollande avait boudé le déjeuner officiel au Palais de Carthage prétextant un agenda chargé. Aussi ne recevra-t-il M. Jomaa que dans la fin de l'après-midi du 2e jour de la visite, c'est-à-dire le mardi 29 avril vers 18 heures. Mais il le recevra quand même. C'est, cependant, avec son homologue Manuel Valls que M. Jomaa fera le gros du travail.

Une marge de manoeuvre financière étriquée

La France a promis 500 millions d'euros (1,1 milliard de dinars) entre dons et prêts et le réinvestissement de 60 millions d'euros (132 millions de dinars) de dettes tunisiennes. Il s'agit pour M. Jomaa d'oeuvrer pour que cette promesse soit mise à exécution et essayer de gratter un peu plus. Laurent Fabius, ministre français des Affaires étrangères, l'a laissé entendre lors de sa visite à Tunis, les 24 et 25 avril, visite effectuée conjointement avec son homologue allemand, Frank-Walter Steinmeier.

En arrière-plan, il y a le marché des hélicoptères que le gouvernement Ali Larayedh a promis d'acheter avec la «modique» somme de 700 millions d'euros (1,5 milliard de dinars). M. Jomaa va-t-il entériner cet accord? Rien n'est moins sûr, vu sa marge de manoeuvre financière étriquée et la limite assignée à son mandat.

Les Français étaient, rappelons-le, derrière le report de la visite de M. Jomaa (qui aurait dû se dérouler fin mars, avant sa rencontre avec Brack Obama), en raison des élections municipales en France et de leurs résultats catastrophiques pour les socialistes. Et c'est peut-être tant mieux pour la Tunisie car Manuel Valls semble plus s'intéresser à se qui se passe en Tunisie que son prédécesseur Jean-Marc Ayrault.

Mehdi-Jomaa-Laurent-Fabius

Mehdi Jomaa recevant à la Kasbah, le 25 avril, les chefs de la diplomatie française et allemande Laurent Fabius et Frank-Walter Steinmeier.

M. Jomaa arrivera à Paris avec une équipe réduite, Amel Karboul, ministre du Tourisme, Nidhal Ouerfelli, ministre chargé de la Coordination et du Suivi des affaires économiques, et Noureddine Zekri, secrétaire d'Etat chargé du Développement et de la Coopération internationale. Le ministre des Finances et le secrétaire d'Etat à la Sécurité ne seront pas du voyage. L'on sait aussi qu'un déjeuner avec des hommes d'affaires du Medef, le patronat français, aura lieu, co-organisé par Wided Bouchamaoui, présidente de l'Utica, et son homologue français, Pierre Gattaz.

On essayera sûrement d'encourager les investisseurs français à parier sur la nouvelle Tunisie, sans trop d'espoir en ce moment à cause de la situation sécuritaire et des tensions sociales prévalent dans notre pays. Les investisseurs, on le sait, ne sont pas des bienfaiteurs de l'humanité.

En plus de MM Hollande et Valls, M. Jomaa rencontrera Claude Bartolone, président de l'Assemblée nationale française. Enfin, il fera une conférence sur la «Start up Tunisia», son thème de prédilection, à l'Université de Dauphine.

Sécurité et lutte antiterroriste au menu

Un programme chargé, mais peu d'informations sur le volet politique et sécuritaire. Lors de sa dernière visite à Tunis, M. Fabius a laissé entendre que la France apportera son aide à la Tunisie pour la libération de ses diplomates pris en otage en Libye! Sans dire comment évidemment, mais on sait que les services français sont très bien implantés dans ce pays et disposent d'une certaine expérience en la matière.

La lutte contre le terrorisme sera aussi à coup sûr au centre des entretiens Jomaa-Valls, ce dernier ayant occupé en plus le poste de ministre de l'Intérieur et ne fait pas mystère de son rejet de «l'islamo-fascisme». Les deux hommes auront sans doute des choses à se dire à ce propos.

Il est sûr que la France essayera de récupérer le terrain perdu en matière de sécurité intérieure et extérieure de la Tunisie, comme l'a déclaré son ministre des Affaires étrangères, surtout que les Américains ont déjà mis le paquet. Mais comment? Sûrement pas en essayant uniquement de nous vendre des hélicos, alors que le gouvernement tunisien a du mal à boucler ses fins de mois!

En tout cas, un silence pèse sur ce marché plus que douteux, conclu par le gouvernement Larayedh. L'on sait comment des ventes d'armes conclues par certains ministres français ont fini par faire éclater des scandales de «commissions» et de «rétro-commissions». Donc danger!

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