Lotfi-Zitoun-banniere

L'ancien bulldozer d'Ennahdha cherche à soigner son image et à préserver son avenir en essayant de se présenter sous les traits d'un grand libéral devant l'Eternel. Qui croit-il pouvoir tromper?

Par Imed Bahri

Loin d'être la locomotive du train Ennahdha, Lotfi Zitoun, lorsqu'il officiait comme conseiller politique de l'ex-chef du gouvernement provisoire Hamadi Jebali, était plutôt son bulldozer. Très proche de Rached Ghannouchi, le chef du mouvement islamiste, il jouait le rôle de faucon et disait tout haut ce que son sponsor pensait tout bas. La voix de son maître quoi!

Le faucon qui joue à la colombe

Subitement, une semaine après sa démission fracassante, il avait surpris tout le monde avec son changement radical de cap. Au début, personne ne l'a cru et encore moins pris au sérieux, surtout que rien ne laissait penser à l'époque que le chef des faucons Ghannouchi allait se transformer du jour au lendemain en chef des colombes.

En fait, on le comprend maintenant, Zitoun avait anticipé ce revirement, et sachant combien son rôle de bulldozer lui avait valu des inimitiés et des ennemis visibles et invisibles, décidé de soigner son image et de préserver son avenir. Depuis, il n'a jamais tari d'éloges sur ses irréductibles adversaires, Nida Tounes et son leader Béji Caïd Essebsi. Plus libéral que moi tu meurs, était devenu sa devise.

Cette semaine, il revient à la charge dans un quotidien qu'il qualifiait à l'époque où il écumait les plateaux de télévisions de «média de la honte» pour nous instruire sur son épopée londonienne.

L'on apprend qu'il fréquentait les grands de ce monde et notamment le célèbre Fqih Basri, grand opposant devant l'éternel de sa Majesté le Roi Hassan II du Maroc qu'il avait tenté à deux reprises de renverser par deux putschs sanglants.

L'on apprend à notre grande surprise qu'il (Fqih Basri) était un «Frère musulman» avant l'heure. Une histoire évidemment à dormir debout surtout pour ceux qui connaissent cette personnalité hors-pair, chef de la résistance armée marocaine contre le colonialisme français, grand leader de l'Unité des forces populaires (UFP), parti de Mehdi Ben Barka, assassiné par les services marocains avec la connivence de leurs homologues français, et son adjoint.

Fqih Basri fréquenta tous les chefs révolutionnaires de l'époque dont Fidel Castro, Mouammar Kadhafi, Saddam Hussein, les chefs historiques du FLN algérien, mais surtout il était très proche de l'ex-président Ben Ali à qui il rendait visite régulièrement.

Lotfi Zitoun ne dit pas qu'Ennahdha avait utilisé ce grand personnage pour plaider sa cause auprès du régime tunisien et que Ben Ali avait opposé un refus catégorique.

Un discours trop mielleux pour être vrai

En plus Zitoun nous présente Fqih Basri comme un grand pacifiste et un homme de dialogue et l'exemple même du militant droit-de-l'hommiste. Bref un Gandhi tout court. Ou il a été floué par ce personnage extrêmement habile ou il invente un personnage pour la bonne cause de son nouveau discours trop mielleux pour être vrai. Il ne sait pas que Basri compte plus d'amis dans le pouvoir de l'époque et dans l'opposition tunisiens que ce qu'il peut imaginer. Ce n'est pas pour rien que Hassan II l'avait condamné à mort. C'est parce qu'il était un authentique révolutionnaire de cette époque et passait son temps à inspecter les camps d'entrainements de ses guérilléros. Basé surtout à Alger, Basri avait refusé toutes les offres que lui étaient faites par le roi Hassan II pour rentrer dans les rangs.

Zitoun a titré son article ''Ah si mon peuple savait'', titre inspiré d'un poème de Abul Kacem Chebbi, déplorant cette tendance de l'intelligentsia tunisienne à s'invectiver et à refuser «l'Unité nationale», dont il se fait aujourd'hui le chantre, lui qui fut, il n'y a pas longtemps, un grand diviseur devant l'Eternel.

Que Zitoun change de crédo, c'est son affaire mais qu'il prétend donner des leçons sur la nécessité de la tolérance, de la concorde nationale et surtout qu'il invente une histoire qui fait éclater de rire ceux qui ont connu Fqih Basri, non et non.

Zitoun connaissez-vous le vieux proverbe : «''Père, quand deviendrons-nous des nobles (chourfa)!'', demande le fils. Et le père de répondre ''Quand mourront les vieux du quartier''».

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