Le titre de cet article est une phrase de Béji Caïd Essebsi, lorsqu'il était Premier ministre et que l'Otan assistait militairement les rebelles libyens pour renverser le régime de Kadhafi.
Par Imed Bahri
Cette phrase semble aujourd'hui confirmée par les faits, du moins si l'on juge par la réunion, vendredi soir, du Haut conseil de la sécurité, en la présence des trois présidents pour «traiter» de la situation en Libye après l'attaque de Benghazi par les troupes du général Khalifa Haftar et celle du parlement à Tripoli.
Le général Hafter a déclaré cette institution responsable de la propagation du terrorisme, de la déliquescence de l'Etat, outre le fait qu'elle est devenue illégitime, s'étant auto-reconduite elle-même, dépassant ainsi le délais et la mission qui lui ont été attribués par les électeurs. Le général penser nommer un comité pour la remplacer. Tout laisse penser, sauf un renversement spectaculaire de la situation, que ce «coup d'Etat» va réussir à changer radicalement la donne politique chez nos voisins du sud.
Moncef Marzouki et les «putschistes»
Que penserait alors notre président provisoire de la république qui s'était empressé, il y a quelques semaines, lorsque ce même général avait annoncé son «coup d'Etat», de déclarer son soutien au gouvernement de Ali Zeidan qui, quelques jours après, s'est enfui clandestinement comme un voleur avec, paraît-il, une fortune colossale?
M. Marzouki va-t-il continuer à déclarer la guerre aux «putschistes» et engager notre pays dans le bourbier libyen? En tout cas, la déclaration du ministre de l'Intérieur, qui a invoqué la «peur» de voir des milliers de réfugiés libyens envahir notre pays ne convainc personne.
Réunion du Haut conseil de la sécurité, vendredi soir, au Palais de Carthage.
Lotfi Ben Jeddou a même avancé le chiffre de 1,9 million de Libyens sur notre territoire, ce qui est surprenant, car le chiffre habituellement invoqué est celui de 700.000, sachant que les statistiques parlent de 2 millions de réfugiés libyens ayant quitté leur pays. A-t-il voulu faire peur aux Tunisiens et jouer sur la phobie anti-libyenne? Pour quels desseins? Que nous cache-t-on?
La situation en Libye est effectivement très compliquée et les différentes puissances internationales et régionales tentent de pousser leurs pions. C'est la guerre de tous contre tous. Même les Américains et les Européens semblent êtres dépassés par l'évolution catastrophique et trop rapide de la situation politique et sécuritaire.
Toutes les tentatives d'imposer un gouvernement ont échoué et le pays est livré aux milices tribales, celles des partis islamistes et des bandes criminelles, au point que la Somalie et l'Afghanistan paraissent comme des havres de paix comparés à la Libye.
Ce qui est grave pour les pays occidentaux, c'est que le pétrole ne coule plus à flots car beaucoup de puits sont tombés entre les mains des milices au point qu'elles négocient pour leur propre compte les livraisons.
Récemment, la flotte américaine a été obligée d'arraisonner un pétrolier qui s'était fait livrer dans un port libyen du pétrole «piraté». C'est dire l'ampleur du désastre.
Le très fictif gouvernement libyen n'a même plus l'argent nécessaire pour payer les salaires à cause de ce manque à gagner. Alors on prépare de l'autre côté de la Méditerranée et de l'Atlantique une intervention militaire, sachant que la Libye est encore sous la résolution du conseil de sécurité de l'ONU qui avait «légitimé» la guerre livrée par l'Otan à Kadhafi.
Une imminente intervention étrangère?
L'on sait, depuis des mois, que les Américains ont massé des troupes de GI's sur leur base en Espagne qui, depuis, s'entrainent pour une intervention directe en Libye.
Le président Marzouki va-t-il condamner une nouvelle fois le "putsch" du général Khalifa Haftar?
L'on sait aussi que plus de 50 hommes des forces spéciales américaines, dotés d'armes sophistiquées et d'hélicoptères, sont à l'oeuvre dans le sud de la Tunisie pour «traquer les terroristes» dit-on. Et que l'hopital de Tatouine a été «rénové» et équipé par l'armée américaine avec l'accord de l'ex-ministre islamiste de la santé Abdellatif Mekki, qui avait expliqué sans sourire aux médias que c'est par charité que l'armée américaine a décidé d'envoyer ses experts pour restaurer et équiper l'hôpital, sans parler de l'installation d'une base militaire dans le sud, information maintes fois démentie par l'ambassadeur Jacob Walles.
La situation en Libye fût aussi évoquée lors de l'entretien Jomaa-Obama, lors de la dernière visite de ce dernier à Washington, et rien n'a filtré sur ce sujet hormis la sempiternelle aide américaine aux efforts de la Tunisie de combattre le terrorisme.
Notons, cependant, que Mehdi Jomaa avait, dans une interview à un quotidien américain, montré du doigt la Libye comme un pays qui nous exporte les terroristes avec leurs armes et munitions, ce qui est vrai, mais peu diplomatique envers les amis de Rached Ghannouchi et Marzouki, les partis «frères» qui sont au pouvoir à Tripoli, dont notamment le fameux Abdelhakim Belhaj.
L'inévitable implication de la Tunisie
Si on ajoute à cela les centaines de milliers d'anciens pro-Kadhafi sur notre territoire, dont une partie avait participé à la guerre, la question libyenne devient une question de politique intérieure surtout que la classe politique tunisienne elle-même est divisée sur le sujet. C'est même une question qui touche à la sécurité intérieure, si l'on ajoute l'affaire Bagdhadi Mahmoudi, ex-Premier ministre de Kadhafi, livré d'une façon honteuse à ses geôliers et tortionnaires par le gouvernement de la Troïka dans des conditions obscures et dont la Tunisie ne tardera pas à payer le prix fort.
La Tunisie a été impliquée, malgré elle, par une partie de ses politiciens, dans la guerre civile libyenne, ne serait-ce que parce qu'une grande partie des armes livrées par le Qatar avait transité par nos frontières avec la complicité d'hommes haut placés. C'était contraire à toute la tradition diplomatique tunisienne, qui a toujours évité de s'immiscer dans les affaires intérieures des pays frères.
Les jours à venir vont amener leurs lots de surprises en rapport avec ce qui ressemble à une nouvelle guerre régionale du pétrole. Il sera difficile d'éviter la contagion...
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