Que pourra apporter à la tête du ministère de l’Intérieur ce mathématicien, plus familier avec les télécommunications et les énergies renouvelables qu’avec la gestion sécuritaire?  


Nommé hier par le président Zine El Abidine Ben Ali à la tête du ministère de l’Intérieur et du Développement local, alors que le pays est confronté, depuis le 17 décembre, à des agitations sociales et des affrontements entre la police et les manifestants, M. Ahmed Friaâ connait sans doute l’ampleur de la tâche qui l’attend.

Une équation à plusieurs inconnus
Connaissant le caractère réfléchi de l’homme, sa pondération et ses capacités d’analyse, on peut imaginer qu’il a accepté la redoutable mission en étant conscient des difficultés qui l’attendent et des obstacles auxquels il devra faire face.
Peut-être M. Friaâ a-t-il aussi quelques idées susceptibles d’aboutir à des ébauches de solutions à même de calmer les esprits, d’arrêter les troubles et de rétablir la sécurité.
C’est, en tout cas, tout le mal qu’on lui souhaite, et qu’on nous souhaite, à nous autres Tunisiens en ces heures difficiles. Car l’affaire est loin d’être gagnée d’avance. Et pour cause: la situation qui prévaut dans le pays est une équation à plusieurs inconnus. M. Friaâ n’a pas de baguette magique, pas plus que n’en avait son prédécesseur au poste. Aussi, et avant qu’il ne puisse mettre en œuvre ses qualités humaines et sa science politique, devra-t-il d’abord triompher de ses talons d’Achille.
Au registre de ses faiblesses, on soulignera son débarquement, aussi inattendu qu’étonnant, dans un département complètement inconnu pour lui, où il doit prendre immédiatement ses marques et commencer à engranger des résultats. Aura-t-il le temps de retrousser ses manches qu’il devra aussitôt répondre à des sollicitations dont il commence à saisir l’ampleur.
M. Friaâ, on le sait, est resté longtemps loin du gouvernement et du cercle de la décision politique. Après avoir occupé des postes ministériels (Equipement, Education et Technologies de la communication), l’ancien directeur de l’Ecole nationale des ingénieurs de Tunis (Enit) s’est reconverti dans les affaires. Il a lancé récemment le projet du«Village Eco-Solaire Zarzis-Djerba», où seraient menées des activités de recherche, de formation, d’expérimentation et de production d’énergie verte. Il a même pu réunir récemment le tour de table de la société Solartech-Sud, appelée à réaliser ce  projet.

Enracinement dans la Tunisie profonde
Passer, sans transition, de l’énergie verte à la gestion d’une situation sécuritaire pour le moins difficile n’est pas, pour ainsi dire, un cadeau. C’est plutôt un challenge. Et M. Friaâ n’est pas du genre à reculer devant un obstacle. Son enracinement dans la Tunisie profonde sera un atout important qu’il essayera de faire valoir.
Originaire de Zarzis, dont il a été de longues années durant le maire et/ou l’un des représentants à la Chambre des députés, il appartient au gouvernorat de Medenine (extrême-sud du pays, à la frontière libyenne). Les habitants des régions intérieures, qui essaient de faire valoir aujourd’hui leur part de la croissance économique et de la prospérité, n’auront pas de mal à s’identifier en lui.
Cet «homme du sud» a aussi d’autres atouts. D’abord son expérience de terrain et sa relative bonne connaissance des régions. Ensuite son intégrité que d’aucuns mettent en avant. Au moment où le gouvernement s’apprête à créer une commission chargée d’enquêter sur la corruption des responsables et les erreurs qu’ils commettent dans l’exercice de leurs fonctions, la présence d’un tel homme à la tête d’un ministère aussi important que celui de l’Intérieur et du Développement local constituera, sans aucun doute, un gage de crédibilité et de sérieux.  
Last but not least, M. Friaâ a assumé de nombreuses fonctions scientifiques, parlementaires, gouvernementales, associatives, etc. C’est un commis de l’Etat doublé d’un homme politique dont le patriotisme et le sens des responsabilités peuvent constituer des atouts supplémentaires dans l’exercice de ses nouvelles (et importantes) fonctions.
Le fait que le président Ben Ali ait fait appel à lui, qui plus est à un moment aussi difficile, traduit la confiance dont il jouit auprès du chef de l’Etat. Cette confiance lui sera sans doute très utile eu égard aux obstacles et difficultés qu’il pourrait affronter dans les prochains jours.
Bon vent M. Friaâ…

Ridha Kéfi