La visite qu'effectue cette semaine le roi Mohamed VI à Tunis vise à contrer l'influence d'Alger dans notre pays. Et à donner un coup de pouce à Marzouki, en perte de vitesse dans son pays.
Par Imed Bahri
C'est du moins l'hypothèse avancée par le quotidien algérois ''Liberté'', qui considère que la visite de trois jours en Tunisie du souverain marocain à partir du 30 mai, à l'invitation du président provisoire de la république Moncef Marzouki, est une tentative, de la part du Maroc, de se rapprocher de Tunis pour la pousser à équilibrer ses relations entre les deux pays maghrébins.
Alors que la commission mixte égypto-algérienne se réunira début juin pour sceller la création d'un nouvel axe politico-militaire Alger-Le Caire qui, selon le journal algérien, prendra en tenailles les terroristes basés en Libye.
Marzouki préfère Rabat à Alger
Cette thèse est accréditée par un autre journal électronique, cette fois-ci marocain, qui suppose que le déplacement de Mohammed VI vise à contrer l'influence d'Alger en se basant sur les relations du Maroc avec Moncef Marzouki, qui aurait manifesté, lors de son dernier voyage au Maroc, sa préférence pour Rabat.
Selon ''Yabiladi'', «le Maroc bénéficie du soutien du président Marzouki. En effet, le Maroc bénéficie jusqu'à présent de l'appui de Moncef Marzouki. Le Président tunisien demeure un grand fervent de la construction maghrébine et du retour du Maroc au sein de l'Union Africaine (UA). Une position qu'il avait exprimée lors du sommet de l' UA en 2011.» Et le journal de poursuivre: «Si Marzouki joue la carte du Maroc, c'est surtout pour éviter que son pays tombe dans le giron algérien. Ce qui n'est pas le cas pour ses deux rivaux politiques: le chef du parti islamiste Ennahdha, Rached Ghannouchi, et le président de Nida Tounes, Béji Caid Essebsi. D'ailleurs les deux hommes avaient rendu visite à Abdelaziz Bouteflika respectivement, le 10 et le 11 septembre 2013».
Visite de Marzouki au Maroc, début février 2012.
Voilà qui est clairement dit. C'est à travers Moncef Marzouki, dont le père et la mère ont vécu au Maroc, où il avait fait lui-même ses études jusqu'au baccalauréat, que le Maroc compte éviter que la Tunisie «tombe dans le giron algérien». Mais l'expression «jusqu'à présent» prouve que les Marocains sont conscients du caractère imprévisible de notre président mais ils ne semblent pas avoir le choix car l'Algérie a plusieurs longueurs d'avance. En tout cas, sachant qu'ils n'ont pas les grands moyens de notre voisin de l'ouest, qui a fait preuve d'une grande générosité à l'égard de la Tunisie pays lors de la dernière visite de Mehdi Jomaa à Alger, le souverain marocain va être accompagné d'une grande délégation d'hommes d'affaires pour «renforcer la coopération économique» entre les deux pays. On ne sait pas comment, sachant que c'est le Maroc, qui a le plus profité de la déstabilisation de la Tunisie, en attirant les investisseurs ayant quitté le site Tunisie et les touristes qui nous ont boudés, ce qui est de bonne guerre.
Le Maroc était toujours notre concurrent, surtout vis-à-vis de l'Union européenne (UE). Mais l'atout du roi du Maroc est plutôt d'un autre ordre: la monarchie chérifienne dispose de solides amitiés au Moyen-Orient et notamment avec l'Arabie Saoudite. Le roi Mohammed VI va-t-il user de son influence pour inciter les Saoudiens à aider la Tunisie? C'est ce que laisse entendre l'article de ''Yabiladi'', sachant que Mehdi Jomaa était rentré bredouille de sa tournée dans les pays du Golfe.
Rabat mise sur Marzouki
En tout cas, la visite du roi du Maroc sera utilisée par Marzouki pour redorer son blason, car il est question que le souverain prononce un discours à l'Assemblée nationale constituante (ANC) où il exprimera son soutien à la transition démocratique.
Espérons que des erreurs protocolaires ne transformeront pas cette visite, qui sera certainement appréciée par les Tunisiens, en sujets de tiraillements politiques et autres bêtises à la tunisienne.
Cette visite royale intervient à un moment où le Maroc et l'Algérie se livrent à un vrai bras-de-fer à la conférence de l'Organisation des pays des non alignés qui se tient actuellement à Alger et où la sempiternelle question du Sahara est à nouveau posée, dans une tentative d'Alger de faire prendre à cette organisation, jadis prestigieuse, une position favorable au Polisario. Ce qui aurait comme conséquence, en cas de succès algérien, un retrait certain du Maroc.
Pendant le séjour du souverain marocain à Tunis, une grande réunion s'y tiendra aussi, rassemblant les représentants de l'Union du Maghreb arabe (UMA), de l'UA, la Ligue arabe, de l'UE, et les envoyés spéciaux des Etats-Unis, de la Grande Bretagne, de la France, de l'Italie et de la Turquie, pour décider de l'avenir de la Libye. Notre capitale mobilisera, à cette occasion, toutes les énergies de ministère des Affaires étrangères. Elle deviendra ainsi le passage obligé pour Tripoli.
Selon certaines informations, le roi profitera de sa visite pour inaugurer un nouveau centre culturel marocain à Tunis, preuve de l'intérêt grandissant du royaume pour la Tunisie et rencontrera des membres de la colonie marocaine.
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