En se faisant le porte-voix des Frères musulmans, en Libye et ailleurs, Moncef Marzouki humilie la diplomatie tunisienne et place notre pays parmi les prochains perdants.
Par Imed Bahri
Contre tout bon sens et sans retenue, notre président provisoire s'était empressé de féliciter Ahmed Miitig, «élu» Premier ministre par une minorité de Frères musulmans libyens, dans un parlement devenu illégitime, au cours d'une réunion tenue en secret dans un hôtel de la capitale libyenne... appartenant à l'heureux promu.
Moncef Marzouki ne faisait en réalité qu'anticiper les désirs de son mentor Rached Ghannouchi. Le camouflet vient de lui être porté par la cour suprême libyenne, qui a invalidé le vote le considérant comme anticonstitutionnel.
Un énième camouflet diplomatique
Cela signifie que notre grand militant des droits de l'homme a soutenu un coup d'Etat en Libye, car ce ne sont pas uniquement des militaires qui montent les putschs. Miitig lui-même a déclaré accepter le verdict. C'est tout l'Etat tunisien, qui fût ainsi lamentablement traîné dans la boue et non seulement la personne de Moncef Marzouki, qui commence à s'y habituer et même à y prendre goût.
En plus du camouflet diplomatique, ce «brillant» patron de notre diplomatie a encore une fois mis son doigt dans l'engrenage libyen, alors que les grandes puissances et les pays concernés par le conflit tentent de prendre de la distance envers les différentes parties en conflit et d'internationaliser le conflit pour éviter de mettre les pieds dans le nouveau bourbier qui n'a rien à envier à celui afghan.
Mais Marzouki persiste et signe, car après avoir soutenu Ali Zeidan et lui avoir promis toute son aide, il s'est retourné contre lui lorsqu'il a été renversé par ces mêmes «Frères» et qu'il fût exfiltré par ses amis occidentaux. Ce même Zeidan qui a refusé l'ingérence de Ghannouchi dans les affaires libyennes lorsque ce dernier prétendait jouer le «conciliateur» entre frères ennemis. L'on n'est plus surpris alors de voir encore nos deux diplomates kidnappés continuer à moisir dans les caches de leurs geôliers. Avec une diplomatie aussi aveugle, espérons qu'ils éviteront le pire.
Que fera l'imprévisible Marzouki après un tel camouflet? Car personne n'est dupe, la cour suprême de Tripoli n'a rien avoir avec son homologue américaine. Comme toutes les institutions installées après la chute du régime de Kadhafi, elle n'est ni indépendante ni compétente. Ce n'est qu'une pièce dans le nouveau jeu d'échec auquel se livrent les rapaces qui lorgnent sur le pétrole libyen.
En Libye c'est actuellement le vide sidéral où personne ne dispose d'une légitimité quelconque et la seule valable, et qui se fait respecter, c'est celle des armes. Même la France, qui a été à l'origine de la guerre de l'Otan contre ce pays et qui a tenté de faire cavalier seul en envoyant à Tripoli son BHL de service, s'est fait prendre une claque.
Les consignes des «Frères»
Marzouki, parions-le, va encore obtempérer aux consignes de ses «Frères» libyens et engager encore une fois notre pays dans une aventure sans lendemain. Car les «Frères» en Libye c'est fini et leur temps est compté. Finira-t-il par comprendre ce qui est devenu une évidence pour tous les observateurs de la vie politique libyenne? En Libye, il n'y a que des «seigneurs de la guerre» et plus d'Etat. La légitimité est au bout du fusil, comme aurait dit Mao Tsé Toung. Idem pour les Etats qui veulent avoir une influence quelconque sur ce pays. La Tunisie n'en fait pas partie, et remercions Dieu pour cela.
Il reste que nous avons, selon les dires du ministre de l'Intérieur, 1,9 million de Libyens qui vivent parmi nous, soit le sixième de la population tunisienne et cela nous concerne. Heureusement que, pour la plupart, ils connaissent notre provisoire président aussi bien que nous. Comme beaucoup d'entre nous, ils ont sûrement bien rigolé en suivant ses fanfaronnades à la télé.
Une vraie curiosité. La grande question qui brûle toute les langues n'a rien à voir avec ses positions politiques sur l'Egypte, la Syrie, la Libye ou s'il va se présenter aux élections! La grande question est: Quelle mouche l'a piqué pour porter une cravate? Une nouvelle idylle peut être? A propos, avez-vous écouté ou entendu un seul intellectuel au monde qui fanfaronne avec ses diplômes? A tel point que, dimanche, sur Ettounsia TV, Hichem Djaït, agrégé et docteur en Histoire, s'est senti dans ses petits souliers devant un tel «charisme». Il s'est contenté de dire une évidence: Marzouki n'a pas changé, ce qui n'est pas forcément un éloge!
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