Notre confrère Samir Gharbi, ancien rédacteur en chef délégué à ‘‘Jeune Afrique’’, propose ici une contribution où il énumère les décisions que la nouvelle direction du pays devrait prendre d’urgence. Par Samir Gharbi


Je félicite le Peuple tunisien – avec un grand P – pour sa victoire contre la dictature. En quelques jours, il a su se mobiliser pour renverser le régime de Ben Ali qui a gangrené l’ensemble du pays depuis 23 ans. Les martyrs de cette Révolution historique ont droit à ce que leurs noms soient inscrits comme les «chouhada» de la guerre d’évacuation de Bizerte.
J’appelle les nouvelles autorités pour qu’elles annoncent immédiatement, sans attendre, les décisions suivantes:
1- recenser les noms de tous les martyrs tombés sous les balles de Ben Ali et de ses sbires, et de leur donner le nom de «chouhada»;
2- féliciter l’armée, véritablement populaire;
3- faire leur mea culpa: les nouveaux dirigeants provisoires sont, le Peuple le sait, issus du régime de Ben Ali. Pour qu’ils gagnent la confiance du Peuple, ils devront sans tarder se démarquer de l’ancien régime en faisant leur mea culpa;
4- annoncer immédiatement la nationalisation de tous les biens appartenant aux familles Ben Ali et Trabelsi: les biens immobiliers, les entreprises qu’elles possèdent en tout ou en partie, les terrains industriels et agricoles, les actifs bancaires... Certains biens pourraient, après vérification, être rétrocédés à leurs anciens propriétaires injustement expropriés ou abusés;
5- sanctionner tous les complices qui ont aidé la famille Ben Ali à s’approprier les biens privés et publics: certains de ses complices sont encore au sein de l’Etat : à la Banque centrale, dans les divers ministères (notamment ceux de la Privatisation, des Domaines de l’Etat, des Finances, du Transport, des Télécoms), dans les douanes, dans la Bourse de Tunis, à l’Utica, ainsi que les commissaires aux comptes, les notaires, les associés et les prête-noms... Sans l’aide de ces complices, les familles Ben Ali et Trabelsi n’auraient jamais pu accomplir leur forfait ;
6- dissoudre l’ex-parti au pouvoir, le RCD, et toutes ses dépendances, cellules etc., de réquisitionner – comme biens de l’Etat – le siège du Parti sur l’avenue Mohamed V et autres biens (voitures, comptes bancaires, etc.).
7- dissoudre les associations créées par le clan Ben Ali, notamment Basma (sic), et de confisquer leurs biens;
8- de clôturer le compte 26-26 et de mettre tout l’argent qu’il contient dans un Fonds spécial pour indemniser, en priorité les citoyens victimes des casseurs, et plus généralement les victimes des clans Ben Ali et Trabelsi (qui ont mis la main sur des biens privés);
9- lancer des enquêtes pour recenser le «patrimoine» des familles Ben Ali et Trabelsi sur l’ensemble du territoire tunisien;
10- lancer un appel aux Etats étrangers pour geler les avoirs de ces familles – la  France l’a annoncé hier – en attendant d’en faire la demande officielle: je pense à tous les Etats, sans oublier les «paradis fiscaux», comme Dubaï et les Bahamas.
Ces annonces immédiates permettent de rétablir l’autorité de l’Etat, en attendant, bien sûr, leur formulation précise par des actes juridiques (pris par le futur gouvernement d’Union nationale).

 

Samir Gharbi, citoyen tunisien, journaliste.