Le président de l’Utica, Hédi Djilani, a démissionné hier de la présidence du bureau exécutif de l’organisation patronale. Sortie par la petite porte pour un homme qui aurait pu mieux couronner sa carrière.
Cette démission fait suite aux pressions d’un grand nombre de ses pairs qui ont exigé son départ.
Hédi Djilani, dont la fille est l’épouse de Belhassen Trabelsi, le frère mafieux de la machiavélique épouse de l’ex-président, Leïla Trabelsi, paye ainsi les frais de sa trop grande proximité avec le clan de l’ancien président.
La tentation du pouvoir
Dans une interview que je lui avais faite en 1995 pour ‘‘Jeune Afrique’’, M. Djilani avait affirmé qu’il comptait céder la présidence de l’organisation patronale en 2000, expliquant qu’à cette date, il aurait 52 ans et qu’il préfèrerait céder la place à un promoteur de la nouvelle génération.
Quelques jours après la publication de l’entretien, M. Djilani m’avait contacté pour me dire que ce passage n’a pas plu au plus haut niveau et qu’il s’était fait taper sur les mains.
L’homme, qui avait pris ses aises entretemps, prenant goût au pouvoir et aux privilèges y afférents, n’a pas tardé à changer d’avis. Il n’a pas voulu céder la présidence de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), qu’il a accaparé de 1987, date de l’accession de Ben Ali au pouvoir dans le pays, jusqu’à janvier 2011, date de la chute du dictateur.
Cette coïncidence est trop flagrante pour ne pas être mise au passif de cet homme qui ne manque pas d’intelligence et de talent, mais qui a accepté de se mettre au service d’une clique médiocre et malfaisante.
On retiendra son activisme empressé en faveur du dictateur, en Tunisie et à l’étranger. Jouant les vitrines libérales d’un régime corrompu, il a fait partie du comité central du Rassemblement constitutionnel démocratique (Rcd), le parti au pouvoir et de la Chambre des députés depuis 1989 sans interruption.
Triste fin de partie
Hédi Djilani ne s’est pas enrichi au contact de Ben Ali et des Trabelsi, puisqu’il est l’héritier d’une famille de commerçants fortunés originaire du village de Ras Jebel, au nord de Tunis. Il a aussi réussi à diversifier le groupe familial et à le développer.
On peut cependant estimer qu’il a également profité de sa proximité avec le clan de Ben Ali, surtout après le mariage (forcé) de sa fille avec Belhassen Trabelsi. Le couple a été arrêté le jour de la fuite de Ben Ali, le 14 janvier.
Triste fin de partie pour cet homme qui vient de perdre, il y a quelques semaines, sa sœur Hager Djilani, romancière et éditrice. Et qui risque de devoir rendre des comptes devant la Commission d’enquête sur la corruption qui va être mise en place sous la conduite de Taoufik Bouderbala.
Dans sa lettre de démission, M. Djilani a écrit, dans un élan de dignité retrouvée, qu’il se sent désormais libéré – du fardeau de la culpabilité? – et qu’il assume la responsabilité de tous ses engagements et de tous ses actes.
Triste épilogue, en effet, pour cet homme affable, éloquent et très cultivé, qui aurait pu faire une carrière politique sans avoir à se rallier à la clique des Ben Ali et Trabelsi et de leurs souffleurs attitrés: Abdelwaheb Abdallah et Abdelaziz Ben Dhia.
Ne tirons pas sur les ambulances!
Ridha Kéfi