Le Front populaire demande la prolongation du délai d'inscription sur les listes électorales et met en doute la transparence de l'Instance des élections.
Par Zohra Abid
Au lendemain de l'appel lancé par Beji Caïd Essebsi pour la prolongation du délai d'inscription sur les listes électorales, qui expirera le 22 juillet à minuit, Hamma Hammami, porte-parole du Front populaire, a emboîté le pas au leader de Nida Tounes, au cours d'une conférence de presse, mercredi 9 juillet 2014, à Tunis.
Même Ben Ali ne l'a pas fait
Hamma Hammami a pointé plusieurs failles dans l'organisation de l'Instance supérieure indépendante des élections (Isie), appelant celle-ci à assumer pleinement son rôle historique.
«Il y a, d'abord, une certaine lenteur dans le travail de l'Isie, qui est restée inactive pendant 4 mois, avant de fixer, tout d'un coup, le délai d'un mois pour les nouvelles inscriptions sur les listes électorales, sans consulter aucune partie», a expliqué M. Hammami.
«Au cours de ce mois, il y a eu la période d'attente des résultats des examens, puis les vacances, ensuite ramadan, ce qui n'a pas facilité la tâche aux citoyens», a ajouté le leader du Front populaire (et son probable candidat à la présidence de la république).
«Cette démarche est voulue, voire préméditée par certains partis connus», a lancé M. Hammami, dans une allusion limpide au parti islamiste Ennahdha, ajoutant que «même sous Ben Ali, on n'a pas connu cela.»
«Les élections étaient certes truquées, mais les délais d'inscription sur les listes électorales restaient ouverts», a indiqué Hamma Hammami, en attirant l'attention sur «des choses» qui lui «semblent louches» et qui «portent atteinte à la crédibilité de l'Isie et de Chafik Sarsar, son président».
Sarsar et Jomaâ au banc des accusés
Le leader du Front populaire n'a pas ménagé ses critiques envers le gouvernement Jomaa qui, selon lui, n'a pas assumé sa mission ni respecté les engagements sur la base desquels il avait été mis en place.
«Le gouvernement Jomaa assume une partie de responsabilité dans le manque de transparence qui a marqué jusque-là le déroulement du processus électoral», a dit le dirigeant de gauche. Et d'expliquer: «Même les nominations effectuées dans l'administration publique sur une base purement partisane n'ont pas été révisées. Les Tunisiens résidents à l'étranger se plaignent de plusieurs failles dans le système électoral mis en place à leur intention. En plus des bureaux consulaires étrangement fermés, ils ont dénoncé d'autres graves anomalies. A Paris, par exemple, le consul général de Tunisie, Karim Azzouz, est un responsable d'Ennahdha. Nous venons d'apprendre aussi qu'un responsable au consulat de Tunisie à Rome serait impliqué dans un réseau qui expédie les jeunes au djihad en Syrie. Il y a un autre problème, qui nous semble encore plus grave: la neutralité des mosquées n'est pas encore garantie, car le gouvernement n'a pas encore mis fin à la propagande politique dans les lieux de culte».
La neutralité n'a pas été garantie
La non-garantie de la neutralité des mosquées constitue une violation de l'article 6 de la Constitution et le maintien en poste des responsables nommés sur une base partisane viole l'article 15 du même texte, a estimé Hamma Hammami.
«A notre connaissance, le gouvernement n'a pas pris une position claire et tranchante à propos du terrorisme, une autre menace pour la stabilité du pays. Or, nous savons tous ceux qui sont derrière ce phénomène. Il leur suffit d'appuyer sur un bouton pour que des milices violentes se manifestent. Sans parler aussi du nombre impressionnant d'associations religieuses ou caritatives dont le financement est suspect et échappe à tout contrôle», a également dénoncé le leader du Front populaire.
En conclusion, M. Hammami a demandé, lui aussi, la prolongation du délai d'inscription sur les listes électorales, afin de permettre au plus grand nombre de citoyens de participer au vote lors des prochaines élections et d'entourer celles-ci de toutes les garanties de transparence et de crédibilité.
«En cas d'échec, l'Histoire retiendra la responsabilité de l'Isie et du gouvernement Jomaa, tous deux complices», a averti M. Hammami.
Illustration: Hamma Hammami et Mohamed Jemour.
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