De la splendeur des palaces tunisiens aux rigueurs de l'exil canadien, Belhassen se sent à l'étroit. De quoi faire pleurer dans les chaumières.
Par Marwan Chahla
Belhassen et Zohra Trabelsi ne supportent plus le régime financier draconien que leur imposent les autorités canadiennes. En exil au Canada depuis le 14 janvier 2011, ce maillon essentiel du clan Ben Ali-Trabelsi, qui s'est enrichi sur le dos du peuple tunisien à coups de corruption, de dessous-de-table, de confiscations de biens d'autrui et autres vols et spoliations, a été soumis à un contrôle strict de leurs dépenses.
Personnes étrangères politiquement vulnérables
Aujourd'hui, cette famille n'en peut plus d'être si à l'étroit et souhaiterait que la justice canadienne lui accorde le droit de disposer de sa fortune gelée, pour pouvoir faire faire face à ses dépenses vitales de tous les jours et couvrir ses frais judiciaires.
C'est ce que rapporte le quotidien canadien de Montréal ''The Gazette'', en fin de semaine dernière: «Le chauffeur de la famille n'a pas été payé, les frais de scolarité des enfants n'ont pas été acquittés et payer un loyer mensuel de 5.000 dollars est devenu une charge impossible à honorer» par le couple Trabelsi, étant donné la rectitude de la justice fédérale canadienne. Cette dernière a opposé une fin de non-recevoir à la demande des fuyards de lâcher du lest.
Le 27 juin dernier, la juge Jocelyne Gagné a soutenu, une fois de plus, la requête du ministre canadien des Affaires étrangères John Baird qui a souhaité, en juin 2013, qu'on refuse au couple milliardaire le droit de débloquer une partie de «leur» fortune, soit 109.680 dollars (l'équivalent de plus de 185.000 dinars tunisiens).
Cette décision de la justice fédérale canadienne s'appuie sur le fait établi que Belhassen Trabelsi, son épouse et leurs quatre enfants mineurs sont «des personnes étrangères politiquement vulnérables» dont les avoirs au Canada ont été gelés sur la demande des autorités tunisiennes en raison de leurs liens étroits avec le président déchu, Zine El-Abidine Ben Ali.
Les Trabelsi font du ski au Canada, peu de temps après leur fuite de Tunisie.
La juge Gagné, après étude de la requête des Trabelsi, a conclu que, depuis leur arrivée à Montréal en janvier 2011, la famille fuyarde a tout de même bénéficié d'un niveau de vie «assez élevé», qu'elle n'aurait aucune raison de se plaindre et, par conséquent, les fonds dont elle souhaite le déblocage ne seraient nécessaires.
Et qui luttent pour ... la survie
Pour plaider leur cause auprès de la justice canadienne, Belhassen et Zohra Trabelsi ont détaillé leurs besoins pressants et vitaux: il s'agit, par exemple, de 10.000 dollars mensuels pour leurs frais de subsistance ordinaire, 5.000 dollars pour leur loyer, 1.740 dollars pour le salaire de leur chauffeur privé et 240 pour les cigarettes (?), sans compter les 30.000 dollars pour les frais de justice et 25.000 dollars pour la scolarité privée de leurs enfants.
En outre, le couple demande à ce qu'on leur accorde le statut de réfugiés, étant donné qu'ils ont perdu celui de résidents permanents au Canada obtenu pendant les années '90.
Les Trabelsi ne s'embarrassent d'aucun détail pour défendre leur dossier: ils ont joint à leur demande de clémence un rapport de psychologue qui décrit Belhassen Trabelsi comme «un quinquagénaire sincère, extrêmement anxieux, voire profondément dépressif», qu'il est sous traitement et qu'il a même tenté de mettre fin à sa vie...
Il y aurait, dans ce plaidoyer des anciens profiteurs de la Tunisie auprès de la justice canadienne, de quoi faire pleurer dans les chaumières. Nous trouverons de leur histoire (qui a mal tourné) tous les ingrédients de feuilleton de quat' sous: de la grandeur des palaces tunisiens à l'exil canadien (à des milliers de kilomètres de ce qui fut la terre de tous leurs rêves) où ils luttent pour la survie.
Quel malheur! Quelle tristesse! Quelle injustice!
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