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Face aux maigres résultats de la campagne d'inscription sur les listes électorales, Chafik Sarsar et l'Isie peinent à convaincre, mais ils s'obstinent dans la fuite en avant.

Par Marwan Chahla

Aux trois-quarts de son opération d'inscription sur les listes électorales, l'Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) éprouve le plus grand mal à démontrer son efficacité: seulement 230 à 255.000 électeurs se sont inscrits sur ces listes. Ce chiffre – qui est loin, très loin, des 2,5 millions escomptés – laisse craindre qu'avec un aussi mauvais départ le processus électoral soit sérieusement handicapé. Il serait même voué à l'échec, selon nombre d'observateurs.

Chafik Sarsar, le président de l'ISIE, ne semble pas être affecté outre mesure par ces mauvais résultats et il n'entend pas rectifier le tir. Pour lui, seule importe la «constitutionalité» de la date-butoir du 31 décembre 2014. Il n'y aurait, donc, pas lieu d'envisager un report de la clôture des inscriptions sur les listes électorales et, par conséquent, les rendez-vous pris pour les législatives et la présidentielle sont maintenus.

Des résultats en-deçà des espérances

L'Isie a eu beau recourir à de nouvelles méthodes et de nouveaux mécanismes pour faciliter l'inscription des électeurs, la timidité de ces derniers n'a pas été jusqu'ici encourageante.

De l'aveu même de Nabil Baffoun, membre de l'Isie, le nombre des inscrits pour les prochains scrutins reste en-deçà de ce qui est souhaitable: «Nous avons renforcé les moyens dans les bureaux d'inscription. Nous avons fait campagne dans les régions. Nous avons développé et étendu les bureaux d'inscription dans les mairies et les arrondissements des municipalités. Nous avons également mis en service l'enregistrement par voie postale. Nous avons permis à nos concitoyens résidant à l'étranger d'utiliser leurs cartes d'identité au lieu de leurs passeports... Nous avons tout fait pour faciliter cette opération, mais, hélas, l'entreprise n'a pas donné jusqu'ici les résultats escomptés».

Rafik Halouani, président de l'association Mouraqiboun (Obsersateurs), oppose un pessimisme inconsolable: «Selon toute vraisemblance, a-t-il déclaré, le lundi 14 février 2014, au micro de la chaîne publique Watania 1, nous n'atteindrons pas plus de 500.000 inscriptions à la fin de l'opération (à savoir, le 22 juillet prochain, NDLR), alors que, au départ, on (l'Isie, NDLR) tablait sur 1,5 million et peut-être même les 2 millions d'inscrits».

Face à la frilosité de l'électorat, qui montre un faible intérêt pour les prochaines échéances électorales, et au manque d'inspiration de l'Isie, qui éprouve le plus grand mal à réagir, les partis politiques, principaux acteurs de la transition démocratique dans notre pays, n'arrivent pas à se déterminer clairement et fermement sur toutes ces lenteurs et tous ces blocages.

Nida Tounes tente d'arrondir les angles en exprimant le souhait que l'Isie trouve les solutions qui permettraient la participation la plus large des électeurs aux prochains scrutins. Il y a une semaine, le président du Nida, Béji Caïd Essebsi, avait suggéré, sans beaucoup insister, que l'Isie devrait envisager la prolongation des délais d'inscription sur les listes électorales.

Chafik-Sarsar-Prestation-de-serment

Chafik Sarsar prête serment:  sa bonne foi n'est pas en doute, mais son inexpérience et son manque de vigilance posent problème.

La mollesse de M. Sarsar

Le lundi 14 février 2014, Lazhar Akremi, le porte-parole du Nida, n'a pas fait montre de plus de résolution que le chef de son parti: «Nous n'avons pas demandé à l'Isie de changer son calendrier, ni les délais qu'elle a fixés pour les différentes étapes du processus électoral. Nous lui avons tout simplement demandé de bien réfléchir sur ce qui peut servir les intérêts des citoyens, sur ce qui peut être bénéfique pour les élections, sur ce qui offrira au pays une plus grande stabilité et la tenue d'élections conformes aux standards internationaux».

Evitant de polémiquer sur l'évidente «mollesse» de Rafik Sarsar, M. Akremi n'a pas pu s'empêcher d'appeler le manque de réactivité de l'Isie par son nom: «Ils (les membres de l'Isie, NDLR) se sont portés candidats et ils ont été choisis. C'est à eux, à présent, qu'il revient de trouver les solutions à tous les problèmes et les réponses à toutes les questions brûlantes».

Le Front populaire (FP), lui aussi, exige que l'Isie assume la totalité de ses responsabilités. Selon Jilani Hammami, dirigeant du FP, «le faible taux d'inscription des citoyens sur les listes électorales, les structures insuffisantes mises à la disposition de cette opération, les carences organisationnelles et l'insuccès des différentes campagnes de sensibilisation de l'Isie, tout cela impose que l'on prolonge les inscriptions sur les listes électorales».

Ennahdha, toujours prudent, préfère garder une certaine distance dans ce débat. Abdelhamid Jelassi, coordinateur du mouvement islamiste, a exprimé, lundi 14 juillet 2014, la crainte qu'une prolongation des inscriptions sur les listes électorales n'implique un report de la tenue des élections et que, en définitive, cette demande de report vise en réalité à «mettre à mal la transition démocratique dans notre pays».

Dans cette grave accusation, les disciples du Cheikh Rached Ghannouchi mettent, pêle-mêle, inconstitutionnalité du report des inscriptions, non-respect de la feuille de route du Dialogue national, crainte des adversaires d'Ennahdha de se jeter dans la bataille électorale au plus vite, etc.

Et le commun des mortels est obligé de constater que M. Sarsar, qu'il le veuille ou non, se trouve, dans cette partie de bras-de-fer, placé du côté nahdhaoui. Le citoyen tunisien commun souhaiterait entendre dire le président de l'Isie qu'il n'en est rien et que l'Instance est vraiment indépendante et supérieure.

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