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Les avocats de la famille Chokri Belaïd et ses camarades du parti Watad appellent à l'audition de responsables de l'ancien gouvernement Ennahdha.

Par Zohra Abid

Réunis hier, mardi 22 juillet 2014, à Tunis, les membres du Parti des patriotes démocrates unifié (PPDU, Watad) sont revenus sur le déroulement de l'affaire de l'assassinat de leur ancien secrétaire général, Chokri Belaïd. L'enquête judiciaire a été bâclée, ont-ils souligné, en demandant l'audition de l'ancien chef du gouvernement Hamadi Jebali, son ministre de l'Intérieur Ali Larayedh, ainsi que de certains directeurs généraux au ministère de l'Intérieur, qui font partie de l'appareil sécuritaire parallèle relié au parti islamiste Ennahdha.

La bataille se poursuit

La liste des personnes devant être auditionnée est longue. Basma Khalafaoui, veuve de Chokri Belaïd, qui appelle à la réouverture de l'enquête par le procureur général, cite l'ancien ministre de l'Intérieur Ali Laârayedh, le directeur général de la sûreté publique Mustapha Ben Amor, l'homme d'affaires Chafik Jarraya, qui s'est contredit à plusieurs reprises à propos de la présence en Tunisie du leader islamiste libyen Abdelhakim Belhaj, le père d'Abou Iyadh, leader du groupe terroriste Ansar Charia, Sami Essid, Abdelkarim Laâbidi, Mehrez Zouari et autres hauts cadres du ministère de l'Intérieur...

«Si l'on veut lever définitivement le voile sur cette affaire, on doit démasquer tous ceux qui ont détruit délibrément des pièces à conviction», a-t-elle souligné.

Basma Khalfaoui a aussi insisté pour que la justice auditionne certaines personnes qui ont fréquenté, à l'époque de l'assassinat de son mari, la salle de sport de la rue de Russie où Kamel Gadhgadhi, le présumé assassin, s'entraînait et rencontrait plusieurs autres membres d'Ansar Charia.

Zied Lakhdhar, secrétaire général du Watad, a indiqué, pour sa part, que son parti a décidé de ne pas lâcher prise, de poursuivre l'enquête à son propre niveau et d'oeuvrer à démasquer les auteurs de ce crime et leurs commanditaires.

«Il n'y a pas eu, dès le départ, une réelle volonté pour arrêter les auteurs ou de traquer les comandataires. On a refusé d'auditionner beaucoup de personnes proches de l'affaire, puis on s'est empressé de fermer le dossier», a-t-il déploré.
Me Mohamed Hedi Laâbidi et son confrère Nizar Snoussi, qui ont parlé au nom du collectif de la défense, ont indiqué, eux aussi, que tous les moyens ont été utilisés pour étouffer cette affaire.

«Le dossier comporte de nombreux vices de forme. On a clôturé l'enquête sans auditionner certaines personnes dont les noms ont pourtant été cités par des accusés ou des suspects. Mais la recherche de la vérité continue et la bataille est, désormais, à la fois, politique et juridique», a lancé Me Snoussi.

Comme une toile d'araignée

Selon Me Laâbidi, le juge d'instruction a refusé de faire une confrontation entre l'homme d'affaires Fathi Dammak et les trois cadres d'Ennahdha Kamel Aïfi, Belhassen Nakkache et Ali Ferchichi. Or cette confrontation, demandée avec insistance par la défense et même par M. Dammak lui-même avant sa libération, est nécessaire à la révélation de la vérité.

«Chokri Azouz doit être auditionné lui aussi. Il était en relation avec Maher Zid, le greffier et journaliste à Al-Moutawasset TV, une chaîne proche d'Ennahdha. Ce dernier a fait sortir des documents du tribunal, qui ont été retrouvés, par la suite, dans une maison de Raoued habitée, pendant une pérode, par Abou Iyadh, Kamel Gadhgadhi et Abou Bakr Hakim, tous impliqués dans le meurtre», a poursuivi l'avocat.

«D'autres personnes auraient dû être auditionnées comme l'homme d'affaires Kamel Letaïef, Saïed Ferjani, ancien conseiller du ministre de la Justice, le Nahdhaoui Noureddine Bhiri, mais aussi la femme d'affaires tuniso-italienne Afef Jenifen», a ajouté l'avocat. Il cite, à ce propos, une vidéo circulant sur les réseaux sociaux où l'on voit tout ce beau monde en compagnie de cheikha Moza, mère de l'actuel émir du Qatar, en train de parler d'une possible acquisition du palais Sidi Dhrif, résidence de l'ex-président Ben Ali. «Or, Chokri Belaïd a été le premier à parler publiquement de cette affaire de rachat par le Qatar de l'ex-palais de Ben Ali et à exiger une enquête à son sujet. Il a été assassiné peu de temps après», a rappelé Me Laâbidi.

Illustration: De droite à gauche: Zied Lakhdar et Nizar Senoussi.

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