Abderrahim Zouari, l'une des figures de proue du régime de Ben Ali, estime que la Tunisie a besoin aujourd'hui de l'apport des hommes d'expérience.
Par Imed Bahri
Ancien ministre de l'Education, de la Justice, de la Jeunesse et des Sports, du Tourisme, des Affaires sociales, des Affaires étrangères et du Transport (excusez du peu !), qui a aussi dirigé le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l'ancien parti au pouvoir, Abderrahim Zouari est ce qu'on appelle un vieux routier de la politique.
Véritable bête politique, doté d'une connaissance intime du pays et d'une grande expérience des rouages de l'administration et des coulisses de l'Etat, il n'a pas pu rester longtemps loin des lumières.
Ministre du Transport dans le dernier gouvernement de Ben Ali, il a passé 15 mois de prison au lendemain de la chute de l'ancien régime. Poursuivi dans une affaire de corruption, il a été blanchi par la justice, mais après sa sortie de prison, le 2 novembre 2012, il a préféré garder le silence et rester momentanément à l'écart de la vie publique.
«Nous avons pris acte du changement intervenu dans le pays et gardé le silence de façon volontaire», a-t-il expliqué dans un entretien, aujourd'hui, jeudi 24 juillet 2014, accordé à Mosaïque FM, le premier depuis la chute de l'ancien régime.
«Nous avons retenu la leçon et le silence était une obligation. Mais nous avons toujours souhaité la réussite de la transition politique que nous soutenons et à laquelle nous adhérons», a encore expliqué M. Zouari, parlant au nom des «azlems» (sbires de l'ancien régime), qualificatif qu'il assume et qui ne semble pas le froisser outre mesure.
S'il a décidé de rompre, aujourd'hui, le silence et de prendre de nouveau la parole dans les médias, c'est, dit-il, «parce que c'est désormais un devoir d'être présent et d'aider le pays à dépasser sa crise actuelle».
«Il y a des milliers de gens, issus comme moi de l'ancien régime et qui ont cette même volonté de contribuer à la réussite de la transition démocratique», ajoute-t-il, estimant que la Tunisie a besoin de tous ses enfants, et surtout de ceux d'entre eux qui ont une expérience de la gestion des affaires publiques.
Ne regrette-t-il rien du passé? Ne sent-il pas la nécessité et le devoir de demander pardon pour toutes les erreurs commises sous l'ancien régime?
Tout en estimant que des erreurs ont été commises qui ont empêché le pays d'avancer plus rapidement sur la voie de l'émergence économique, Abderrahim Zouari estime que
chacun doit rendre compte de ses actes, à titre individuel. Mais, s'empresse-t-il de rectifier, tout n'était pas négatif, au contraire.
La Tunisie, sous l'ancien régime, a réalisé une croissance moyenne de 4,5% pendant quinze ans. Le pays était considéré comme pré-émergent. Après le 14 janvier 2011, il y avait dans les caisses de l'Etat une réserve de 5,6 milliards de dinars, alors qu'aujourd'hui le pays est contraint de s'endetter lourdement pour survivre.
Qu'est-ce qui n'a donc pas fonctionné et qui a rendu la chute du régime irrévocable? Abderrahim Zouari a sa propre théorie à ce sujet. Selon lui, la classe politique, au lendemain de l'arrivée de Ben Ali au pouvoir, était divisée en deux camps, comme toujours en Tunisie : les réformateurs et les conservateurs. Les premières années, ce sont les réformateurs qui dominaient, ce qui a facilité la mise en route de nombreuses réformes, mais pendant les dernières années de Ben Ali, ce sont les conservateurs qui ont pris le dessus. La suite on la connait.
Le pays a pourtant beaucoup progressé dans tous les domaines et était mûr pour une transition démocratique, mais le clan des conservateurs en a voulu autrement, a expliqué M. Zouari, qui se situe lui-même dans le premier clan.
Si les réformes politiques avaient été mises en route, le pays aurait réalisé 7 points de croissance par an et non seulement 4,5%. Et on n'en serait pas là, aujourd'hui...
Abderrahim Zouari est aujourd'hui Pdg de la société Stafim Peugeot et membre du haut comité politique du Mouvement Destourien, fondé par l'ancien Premier ministre Hamed Karoui.
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