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La célébration officielle du 57e anniversaire de la République, hier, à l'Assemblée constituante valait-elle vraiment le déplacement? A oublier...

Par Marwan Chahla

Pour des raisons que l'on peut expliquer et d'autres qui dépassent l'entendement, la célébration, hier, vendredi 25 juillet 2014, de la Fête de la République a été peu reluisante et serait même passée inaperçue.

Un bilan globalement négatif

Etait-ce la Révolution qui avait la tête ailleurs? Etait-ce notre 14 janvier 2011 qui s'est essoufflé, pendant plus de trois ans, sur des milliers questions cruciales et tant d'autres qui n'auraient jamais dû être soulevées? Etait-ce une Tunisie qui lutte pour sa simple survie au point où elle en a perdu le goût de la fête? Etait-ce aussi un peuple tunisien, usé et désabusé, qui ne veut plus rien entendre ni voir et préfère se terrer? Etait-ce, également, le signe indéniable d'une classe politique qui a échoué et qui n'arrive plus à motiver ou à mobiliser une communauté nationale qui lui tourne de plus en plus le dos? Ou était-ce tout cela à la fois, c'est-à-dire un bilan globalement négatif de la transition?

Hier, l'hémicycle de l'Assemblée nationale constituante (ANC) a été le théâtre d'une fade célébration du 57e de la Fête de la République. Par plus d'un aspect, ce qui était supposé être un évènement est devenu, en réalité, un acte monté de toutes pièces où tous les acteurs (les rôles principaux, les rôles secondaires et les figurants) ont été ternes et n'ont suscité que peu d'intérêt. La mise en scène de cette rencontre avait le plus grand mal à convaincre tant la crédibilité des «ténors» (MM. Ben Jaâfar, Jomaâ et Marzouki) qui se sont succédés à la tribune de la Constituante était très faible, voire inexistante.

Sachant qu'ils souffraient de ce sérieux handicap (feignant de ne pas le savoir ou ne le sachant pas, peu importe!), nos trois présidents (de l'ANC, du gouvernement et de la République, tous durablement provisoires) ont débité leurs discours de circonstance qui ressemblaient à une simple formalité qu'un officiel de la République doit accomplir, bien plus que l'exposé d'un projet, d'une doctrine ou d'une vision.

Chacun à sa manière, les trois présidents nous ont gratifiés de petites idées superficielles qui, selon toute vraisemblance, ne pourront trouver que peu de preneurs.

Tous les trois ne pouvaient échapper à l'évocation de la question plus que brûlante du terrorisme.

Petite présence, petites idées

Pour Mustapha Ben Jaâfar, président d'une Assemblée constituante qui joue des prolongations doubles (et bientôt triples) du temps qui lui a été initialement et électoralement accordé, «le phénomène terroriste s'est solidement implanté dans notre pays et cette situation exige que l'on mette en œuvre une stratégie globale», un programme qui pourrait notamment comprendre «la création d'un fonds national pour la lutte contre le terrorisme». Idées lumineuses auxquelles personne n'a pensé avant lui !

Pour le Premier ministre provisoire Mehdi Jomaâ (qui donnait l'impression d'être là parce que les circonstances le dictaient), «la calamité terroriste n'est pas un simple orage passager, mais plutôt une donnée permanente qui exige de nous que l'on fasse preuve d'une vigilance constante et d'une préparation permanente à la riposte». «Il n'y aura jamais lieu de parler d'une véritable Deuxième République de Tunisie, sans que le respect de l'Etat, de l'ordre et de la loi n'ait été instauré de nouveau. Cela garantirait le rétablissement de la discipline, mettrait un terme à l'insécurité et au désordre. Notre but, en cela, devrait être la protection du citoyen et la préservation de ses biens», a-t-il ajouté. Et le chef du gouvernement de tirer la conclusion évidente et schématique que «le phénomène du terrorisme peut faire obstacle à la transition démocratique». Ah bon ! on n'y avait pas pensé!

Il ne fallait pas s'attendre à une apothéose de la part du locataire du Palais de Carthage. Selon Moncef Marzouki, l'éradication du phénomène terroriste passe non seulement une frappe militaire forte mais ce combat ne doit en aucune manière perdre de vue l'obligatoire respect des droits de l'Homme.

Assemblee-constituante

Les absents n'ont rien raté.

Dans cette lutte pour la vie et la survie, dans cette guerre contre les djihadistes et les wahhabites qui n'ont de règles que les leurs, c'est-à-dire celles de la haine, de la soif de sang, de l'anti-républicanisme et de l'anti-démocratisme, le président provisoire appelle les Tunisiens à faire montre de pondération et d'être, en somme, des gentlemen de la lutte anti-terroriste...

La petite présence au Palais du Bardo a donc eu droit à ces «petites idées» de nos trois présidents qui ne marqueront pas l'Histoire. Béji Caïd Essebsi, président de Nida Tounes, et Rached Ghannouchi, président d'Ennahdha, ont compris, peut-être plus que les autres dirigeants politiques du pays, que la célébration du 57e anniversaire de la République à l'ANC ne valait pas le déplacement.

Le peuple tunisien, lui, s'y perd, ne sait plus où donner de la tête: plus rien n'a de sens, plus rien n'a de goût et plus aucune explication (d'où qu'elle vienne!) n'arrive à remettre de l'ordre dans ses idées. Le pays navigue à vue et le brouillard de l'incertitude du lendemain est très épais.

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