Quel est le poids réel du parti islamiste tunisien et quel pourraient être sa place et son rôle dans l’échiquier politique de la Tunisie démocratique de demain? Mohamed Ben Mosbeh


A peine deux semaines après la chute du président déchu Zine-el-Abidine Ben Ali, les yeux et les esprits se tournent vers l’avenir et les Tunisiens se posent des questions sur la relève. Qui se hissera au pouvoir? Ou plus exactement qui «mérite» de s’asseoir sur le trône? Dans ce contexte, vous n’avez sans doute pas pu échapper à des mots tels qu’Ennahdha, Rached el Ghannouchi, islamisme...
Mais quels sont les islamistes, et est-ce qu’ils représentent une menace sur la Tunisie?

 

La société entre islam et islamisme
Le parti islamiste tunisien, Ennahdha a participé aux élections présidentielles en 1989 avec des listes dites indépendantes et a même réuni 15% des voix, un mini-succès, qui a valu à 30.000 de ses partisans l’emprisonnement et à son leader, Rached El Ghannouchi, l’exil en Angleterre depuis maintenant 20 ans. Un leader, rappelons-le, qui projette de rentrer au pays très prochainement
Les islamistes restent rationnels et ne cessent d’affirmer que leur mouvement ne véhicule en aucun cas l’intention d’organiser «un retour à la Khomeiny». Rappelons que Rouhollah Khomeiny est un dignitaire religieux chiite iranien. Ennahdha se définit plutôt comme proche du parti turc au pouvoir l’Akp qui est très modéré, malgré ses relations étroites avec la religion musulmane.
Le parti de Ghannouchi (Rached) proclame la reconnaissance du multipartisme et son droit de participer aux prochaines élections. Ennahdha devra, pour cela, se faire «légaliser» sachant que la Constitution tunisienne interdit les partis à caractère religieux. Cette obligation semble avoir été levée puisque le gouvernement d’union nationale a annoncé, par la voix de son porte-parole, Taïeb Baccouche, également ministre de l’Education, la légalisation de tous les partis politiques actifs dans le pays.

Ce qu’en pensent les tunisiens?
«Les tunisiens, affirme le chercheur Pierre Vermeren, ont une très forte sensibilité islamiste. En effet, le discours religieux se nourrit de la dénonciation de la corruption et des comportements économiques mafieux».
La société tunisienne est donc très favorable à l’implantation d’un parti islamiste. De plus, les Tunisiens dénoncent une jeunesse très influencée par l’Occident et qu’il faudrait ‘‘remettre sur les rails’.
D’autres affirment que le peuple tunisien n’est pas «dupe» et qu’il n’acceptera pas de mettre sa liberté en jeu pour quelque prix que ce soit. D’autant qu’après ce qui passé en Algérie, en Irak, en Afghanistan, et dans d’autres pays où les mouvements islamistes ont pu investir la vie politique, les libertés ont subi de graves restrictions.   
Les Tunisiens, qui ont arraché leur liberté au prix d’aussi importants sacrifices, ne s’en laisseront pas priver facilement.  
Ennahdha arrivera-t-il à s’imposer dans un paysage politique éclaté d’où Ben Ali a réussi d’éloigner les islamistes? C’est une question qui restera sans réponse jusqu’aux prochaines élections, mais ce qu’on peut dire avec certitude c’est que la prudence est de mise.

Mohamed Ben Mosbeh