Samedi, la rue principale a été prise d’assaut vers 11 heures du matin par une foule de policiers. Ils étaient plusieurs milliers de policiers qui criaient: «Nous sommes innocents du sang des martyrs».


En uniforme ou en civil, hommes et femmes de la police se sont donné rendez-vous devant le ministère de l’Intérieur avant de faire leur défilé dans l’avenue, escortés même par des moutards. Ils disent qu’ils sont aussi des Tunisiens comme les autres et réclament la création d’un syndicat de police qui défendra leur métier.
Ils disent aussi être pris pour cible et menacés par le peuple, alors qu’ils n’ont fait qu’assurer la sécurité, et qu’eux aussi, ont souffert de l’époque ben Ali. Les policiers sont allés ensuite jusqu’à la place du gouvernement à la Kasbah, au moment où le président de transition, Foued Mebzâa, quittait le siège du gouvernement. Il a fallu l’intervention pacifique des forces de sécurité déployées sur place pour lui frayer un passage. Cette manifestation est la première du genre, non seulement en Tunisie, mais dans le monde arabe.

Qui a donné la permission d'ouvrir le feu?
«Nous demanderons: qui a donné la permission d'ouvrir le feu?», a déclaré Taoufik Bouderbala, le président de la commission d’enquête indépendante mise en place par le gouvernement transitoire, qui a promis, samedi, d’enquêter sur le rôle des forces de sécurité dans les violences qui ont fait des dizaines de morts pendant la «Révolution de jasmin».
«Nous avons constaté dans certains cas que des tirs étaient dirigés vers la tête ou la poitrine (...). Nous chercherons pour quelle raison ceux qui tenaient des fusils ou des couteaux ont frappé ceux qui réclamaient à mains nues du pain et la liberté», a-t-il ajouté.
Pendant le soulèvement qui a conduit le 14 janvier à la fuite du président Zine Ben Ali après 23 ans de pouvoir sans partage, les forces de sécurité ont tiré sur la foule ou frappé des manifestants à coups de bâton, selon des témoins. Des images de ces violences ont eu une large diffusion à travers les réseaux sociaux.

Quid des snipers israéliens?
Les agents de l’ordre qui ont manifesté, samedi, affirment être étrangers aux tirs ayant fait des morts parmi les manifestants pacifiques et évoquent des agents en civil, postés sur les toits des immeubles, et qui tiraient sur les gens avec une évidente volonté de tuer. Ces tireurs d’élite seraient des éléments de la sécurité personnelle de l’ancien président et même, à partir du 9 janvier, des snipers étrangers commandités par les Trabelsi, le clan de la sulfureuse épouse du président déchu. Ils seraient, selon certaines sources, des Israéliens munis de passeports allemands, suédois et suisses.
Quoi qu’il en soit, les responsables des violences seront démasqués par les enquêteurs et répondront de leurs actes devant la justice. Ils seront sanctionnés quel que soit le corps auquel ils appartiennent. Idem pour les auteurs d’actes de torture, dont les noms et les pratiques sont documentés par les organisations nationales et internationales de défense des droits de l’homme.
Reste l’écrasante majorité des forces de l’ordre, qui ont seulement fait leur devoir de défense de l’ordre public et souffert eux aussi de la terreur infligée à l’ensemble du peuple. Cette majorité, longtemps silencieuse, s’est libérée elle aussi et donne de la voix. Elle mérite d’être écoutée, parce que ses témoignages vont être utiles pour guider les enquêteurs et aider à démasquer les véritables bourreaux du peuple.

R. K.