L’ancien Premier ministre sous Habib Bourguiba, Rachid Sfar nous a fait parvenir cette «Lettre ouverte à monsieur le président de la république tunisienne»…
A la Haute Attention de Son excellence monsieur Foued Mebaza, président de la république tunisienne.
Je souhaite exprimer de nouveau toute ma considération pour la haute mission historique dont vous êtes investi dans cette phase de transition de notre cher pays et exprimer également toute mon émotion et mon admiration pour le peuple tunisien et plus particulièrement pour sa jeunesse pour la révolution de la vraie liberté et la vraie démocratie que vient de vivre notre pays.
Je veux encore une fois dire que les sacrifices de notre peuple et de nos nouveaux martyrs de la liberté doivent nous rendre nous hommes politiques de toutes obédiences très humbles: nous n’avons pas perçu le désespoir qui montait ni l’explosion qui venait, quoique certains d’entre-nous ont prévenu les autorités, les uns publiquement dans les journaux des partis de l’opposition et quelques autres dans le parti au pouvoir, au sein des travaux internes des commissions de réflexion que la situation, notamment des jeunes diplômés, constituait «une bombe à retardement». J’utilise le mot qui a été dit par d’autres et par moi-même, dont le ministre du Développement qui présidait alors une commission.
Pour que la vraie démocratie ne soit pas confisquée
Nous devons chacun selon ses possibilités nous employer à faire en sorte que cette révolution d’un peuple mur pour la vraie démocratie ne soit pas confisquée par qui-que ce soit. Nous devons rendre le processus démocratique réel et irréversible et préserver en même temps notre pays de la violence et de l’anarchie qui le menace.
Le monde entier nous regarde et attend pour voir si cette révolte tunisienne va conduire à l’instauration d’un véritable Etat de droit et d’une authentique démocratie ou vers un chaos qui débouche ensuite au retour de la tyrannie.
Je comprends les impatiences mais les initiatives prises par le gouvernement provisoire d’union nationale vont dans la bonne direction ; et il y a un travail colossal qui doit être entrepris par les trois grandes commissions, qui doivent être ouvertes à des compétences confirmées et reconnues mais également à la représentation de tous les partis et à l’UGTT sans exclusive, pour rétablir la confiance qui manque encore. On peut imaginer également, après le démarrage effectif des travaux de ces trois grandes et importantes commissions, la création d’un haut comité de coordination et de suivi des travaux de ces commissions, si vous estimez dans le contexte actuel cela nécessaire.
Je fais cette déclaration pour que nous placions tous l’intérêt supérieur de notre pays au-dessus des intérêts ou des ambitions personnelles, surtout dans cette délicate phase de transition que vit notre pays, comme l’ont souligné avant moi plusieurs responsables politiques que je salue.
La vraie légitimité aux institutions
Pour donner l’exemple, je remets mon poste actuel de membre de la Chambre des Conseillers à votre disposition en tant que chef de l’Etat habilité à nommer et à remplacer les vacances des membres non élu de cette chambre, si vous estimez qu’une jeune compétence peut être plus utile que moi au pays.
C’est notre peuple qui donnera demain la vraie légitimité aux institutions de la nouvelle république et à ses nouveaux dirigeants par des votes libres dans la transparence totale.
Parallèlement au travail des politiques, il faut que le pays se remette au travail avec ardeur et confiance dans la fraternité retrouvée pour éviter à notre économie, dans un environnement mondial économique et financier défavorable, les graves risques de la récession qui peut nous menacer.
Avec l’expression de ma haute considération et de mes sentiments respectueux.
Rachid Sfar, ancien Premier ministre
* Les titre et intertitres sont de la rédaction.