Les jours de Pierre Ménat, l’ambassadeur de France en Tunisie, semblent comptés. Les autorités françaises reprochent au diplomate, en poste depuis 2009, de ne pas avoir senti la révolte populaire. Et surtout d’avoir expliqué, télégramme diplomatique à l’appui, que le président Ben Ali était en mesure de se maintenir au pouvoir après avoir lâché du lest dans son dernier discours.
Selon nos informations, Nicolas Sarkozy réfléchit à son remplacement. «Je prendrai très prochainement des initiatives, y compris sur l’ambassade», confie le chef de l’Etat en privé, en reconnaissant que Paris n’a pas forcément «bien réagi» dans cette affaire.
Révolution de la rue ou une révolution de palais?
Néanmoins, en petit comité, le président a son explication à propos de ce manque de flair de la diplomatie française. «Ce qui s’est passé, est-ce une révolution de la rue ou une révolution de palais?» s’interroge-t-il.
En effet pour Sarkozy l’élément déclencheur aura été l’attitude du chef de l’état-major de l’armée tunisienne, limogé deux jours plus tôt, qui est allé voir Ben Ali dans son bureau pour lui demander de partir. «Si c’est une révolution de palais, c’est plus difficile d’avoir des capteurs qui fonctionnent», argumente-t-il.
Sur le fond, le président français admet que les privations de liberté étaient devenues intolérables pour les Tunisiens et que Ben Ali a sans doute été corrompu par sa famille.
Toutefois, il reste partagé sur le bilan des vingt-trois ans de règne de l’ancien président, mettant en avant le développement continu du pays: «Des filles qui vont en fac, 6 millions de touristes et une économie saine.» Le chef de l’Etat [français] suggère donc une certaine «prudence» dans les commentaires et regarde à la loupe ce que vont faire les islamistes dans les mois qui viennent: «Pour l’instant, ils sont habiles, ils jouent les victimes en disant qu’ils ne présenteront pas de candidats aux prochaines élections. Il faut rester vigilant.»