Longtemps les syndicalistes avaient le bec muselé, le jour où ils ont récupéré la voix, ils commencent à débiter des insanités. La raison est-elle, aujourd’hui en Tunisie, la chose au monde la mieux partagée.  


 

La révolution populaire a cela de beau car elle survient quand on s’y attendait le moins, la flamme a toujours besoin d’une étincelle, un évènement pareil à celui de Sidi Bouzid peut déclencher l’incendie mais le feu, pour se propager, a besoin d’être attisé, et c’est le rôle qu’a joué la centrale ouvrière.
On ne peut nier l’apport considérable des syndicalistes qui ont tout arrangé pour que le vendredi 14 janvier soit le dernier jour au pouvoir pour Ben Ali. Ils étaient majoritaires et les plus tenaces à scander le départ du tyran. Ils ont le droit de se féliciter d’être parmi les principaux artisans de cette victoire mémorable. Qui donnera au peuple tunisien le droit de disposer de son autonomie, du choix qu’il veut tracer pour son avenir et des revendications qu’il est prêt à soumettre à ses nouveaux dirigeants.
Il est toujours utile de rappeler que cette victoire ne doit pas donner le droit absolu aux syndicalistes de devenir aussi des tyrans et d’imposer leurs volontés à tout un peuple qui a besoin certes de liberté mais aussi de la confiance en l’avenir, un peuple assoiffé de démocratie mais qui aspire aussi à la tranquillité.

Un mutisme assourdissant
La Tunisie, aujourd’hui, est parvenue à une étape décisive de son existence. Ce n’est pas en renversant l’ordre établi provisoirement qu’on va aboutir à une nation plus forte. C’est le contraire qui est en train de se produire, les syndicalistes exigent le départ du gouvernement provisoire  comme si leur statut leur permet d’assurer une autre alternative. Maintenant qu’ils n’ont plus aucune revendication, ils se mettent en tête l’idée de déstabiliser l’ordre établi de peur de voir le provisoire durer indéfinément.
Ils ont oublié qu’il y a deux semaines, ils étaient furieux contre la direction de leur centrale. Ils scandaient les mêmes slogans adressés aujourd’hui au nouveau gouvernement, parmi les plus répétés on retient celui où ils s’indignent de la position de leur centrale «Votre comportement est une honte».
Lors des évènements de Sidi Bouzid, le mutisme de la centrale ouvrière était des plus choquants, des milliers de Tunisiens qui réclament du travail et le secrétaire général qui applaudit les fausses promesses annoncées par le président déchu.

Des gesticulations inutiles
Le plus étonnant dans cette affaire, c’est que le syndicat des enseignants  approuve la grève, celui qui est censé regrouper les plus instruits parmi les syndicalistes, ceux qui sont les mieux payés parmi les fonctionnaires de l’Etat qui vient de leur verser leur salaire de janvier dans les temps répartis. Ces derniers ne réalisent nullement que si le gouvernement démissionne, c’est tout le peuple tunisien qui va avoir faim. Les manifestants vont passer à une phase de violence, alors que des usurpateurs sont en train de se diviser des terrains appartenant à l’Etat. Certains parmi eux ont même commencé la construction de nouveaux  logements sans plans ni autorisations.
Le peuple tunisien ne peut tolérer ce chaos qui ne peut servir que les intérêts des malfaiteurs. Il n’est pas question de sombrer de nouveau dans le désordre. Il est temps que les syndicalistes et parmi eux les enseignants  comprennent que le moment est mal choisi pour entrer dans des gesticulations inutiles.

Ali Ben Mabrouk