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Béji Caïd Essebsi se présente comme un «vrai» président, capable de rehausser le prestige de l'Etat, préserver la souveraineté nationale et contrer l'hégémonie d'Ennahdha.

Par Moncef Dhambri

Béji Caïd Essebsi a démenti, hier, l'idée selon laquelle le président de la République ne disposerait, dans la nouvelle constitution, que de prérogatives très réduites. «Lisez bien les textes», conseille-t-il, «et vous y trouverez que le Président a plein de pouvoirs».

Invité, hier 25 septembre 2014, de l'émission ''Midi Show'' de Mosaïque FM, Béji Caïd Essebsi (BCE), le président de Nida Tounes et candidat à la course présidentielle du 23 novembre prochain, a pris le contrepied de la théorie selon laquelle, dans le système parlementaire qui est désormais le nôtre, le locataire du Palais de Carthage n'aura pas grand-chose à faire. Au contraire, selon lui, la femme ou l'homme qui occupera cette fonction aura du pain sur la planche.

La présidence n'est pas une simple affaire

«La présidence de la République est une affaire bien plus importante qu'on veut nous faire croire», a-t-il déclaré. «J'ai eu le temps, juste avant de venir vous voir, de parcourir les articles de la Constitution qui portent sur les pouvoirs du président de la Républiques et les responsabilités qui sont les siennes. Détrompez-vous, ces dernières sont nombreuses et elles sont difficiles à assumer... Il n'est pas donné à tout le monde, au commun des mortels, d'honorer cette charge présidentielle comme il se doit».

BCE, lisant sur antenne les prérogatives présidentielles, a énuméré pêle-mêle quelques unes des obligations du prochain président de la République: «Vous avez, par exemple, la représentation de l'Etat tunisien à l'étranger. Non, cette fonction n'est pas une simple affaire. Celui qui assumera la responsabilité présidentielle sera dans l'obligation de soigner son image, sa tenue... Il devra savoir comment se comporter, comment parler, comment avancer, comment prendre du recul. L'on ne s'adresse pas à tous les présidents des autres pays de la même manière».

Pour convaincre encore plus sur cette importance de la tâche présidentielle et la haute idée qu'il s'en fait, M. Caïd Essebsi n'a pas manqué de signaler que, sur le plan national, le chef de l'Etat ne chômera pas, non plus: «Outre les affaires étrangères, il (le président de la République, NDLR) aura la charge de la sécurité du pays, la défense de ses frontières et la protection de tout le territoire national, etc. Vous voyez qu'il ne s'agit pas d'une mince affaire. Rappelons, aussi, qu'il dispose du pouvoir de la dissolution du parlement et du droit d'opposer son véto aux lois que les représentants du peuple adopteront. C'est lui, également, qui procède à la nomination d'un nombre important de hauts responsables de l'Etat tunisien et de fonctionnaires... Bref, cette fonction de président de la République n'est pas une tâche aisée. Il n'est pas donné à 'tout le monde' d'assumer la magistrature suprême», insiste-t-il.

Par «pas tout le monde», BCE explique que le prochain président de la République devra «être bien préparé et à la hauteur de ce rôle important. Certes, briguer le poste de chef de l'Etat est un droit de tout citoyen tunisien qui est garanti par la Constitution, et l'on comprend très facilement que, après tant d'années de frustration et de répression que le pays a vécues, que l'on se rue ainsi pour déposer sa candidature à l'élection présidentielle et qu'il y ait aujourd'hui autant de candidats à la présidence – 40, 50, 60 ou 70. Mais, en dernière analyse, il faudrait que l'on en arrive à quelque chose de raisonnable et d'acceptable, comme dans d'autres démocraties...».

La patience de l'électeur à rude épreuve

M. Caïd Essebsi n'hésite pas à dénoncer ce qu'il considère comme étant un «complot visant à minimiser l'importance de la fonction présidentielle»: «on (Ennahdha, cela va sans dire, NDLR) a commencé par faire passer les élections législatives avant le scrutin présidentiel. Là, l'intention était claire que l'on a voulu marginaliser la fonction présidentielle. Ensuite, ils (les Nahdhaouis, bien entendu, NDLR) ont rejeté le premier tour de l'élection présidentielle à un mois des législatives et le deuxième tour à un autre mois, au 28 décembre (...) Cela veut dire que l'on veut mettre à très rude épreuve la patience des électeurs, alors que ces derniers sont déjà assez lassés par autant d'attente et de déceptions et qu'ils s'inquiètent chaque jour encore plus sur le sort du pays. On (toujours Ennahdha, évidemment, NDLR) nous a fait croire aussi qu'une présidence consensuelle serait la meilleure solution pour la Tunisie et qu'elle épargnerait à notre pays des confrontations coûteuses et des rivalités inutiles. Puis, il y a eu cette histoire du surnombre des candidatures. Sur ce point, je me pose une question toute simple: comment tous ces candidats ont-ils obtenu leurs parrainages? Qui est-ce qui les soutient?».

Une fois de plus, BCE a eu l'occasion de donner raison aux sondages qui le placent en tête des intentions de vote des électeurs tunisiens. Son sens aigu de la réplique, la limpidité de son raisonnement, la vivacité de son esprit et certaines de ses insinuations assassines ont réussi à faire oublier aux auditeurs de Mosaïque FM, au moins l'espace de la deuxième partie de ''Midi Show'', que cet homme aura, à une semaine près, 88 ans le jour du premier tour de la présidentielle.

Cette prestation radiophonique laisse prévoir aussi que, si M. Caïd Essebsi remporte la course présidentielle, il ne fera pas de la figuration dans le paysage politique post-électoral – surtout si, à l'autre bout de la chaine du pouvoir, Ennahdha domine le législatif et qu'un Nahdhaoui prend la tête du gouvernement... Autant dire qu'il y aura de très «belles» empoignades en perspective.

A l'évidence, BCE se présente comme une sorte d'anti-Tartour. Traduire: un «vrai» président, capable de rehausser le prestige de l'Etat et de préserver la souveraineté nationale. Il se présente aussi comme un contrepoids nécessaire et efficace aux velléités hégémonistes de Rached Ghannouchi et du parti Ennahdha, qui ont un projet d'islamisation de la Tunisie qu'ils n'ont jamais abandonné...

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