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Ennahdha est favorable à la constitution d'un gouvernement de coalition avec ses adversaires laïcs et même avec les responsables de l'ancien régime de Ben Ali.

Par Imed Bahri

C'est, entout cas, ce qu'a déclaré Rached Ghannouchi, président du mouvement islamiste, dans une interview à l'agence Reuters, en expliquant que ce serait là «un bon moyen pour enraciner la démocratie dans le pays.»

M. Ghannouchi a indiqué, à ce propos, que «c'est le consensus qui a sauvé la Tunisie», par allusion au dialogue national et à la feuille de route qui ont mis fin à la crise et permis de mettre en place le gouvernement de compétences nationales indépendantes.

«Le pays a encore besoin de consensus entre les islamistes et les laïcs, car même après les élections, nous ne serons pas dans une situation de démocratie stable, mais dans une démocratie transitoire qui a besoin d'un gouvernement d'union nationale capable de faire face aux nombreux défis, dans un contexte régional marqué par des tensions», a encore expliqué M. Ghannouchi.

«Ennahdha est disposé à faire partie d'un gouvernement de coalition avec son adversaire laïc Nida Tounes et même avec les partis dirigés par d'anciens responsables du régime de Zine El-Abidine Ben Ali», a dit le président du parti islamiste par allusion aux «azlems», les dirigeants des partis dits «destouriens», notamment Hamed Karoui (Mouvement destourien) et Kamel Morjane (Al-Moubadara).

«Nous sommes prêts à travailler avec tous les partis reconnus. Nous n'avons de véto contre aucun parti légal. Nous ne combattrons pas l'exclusion par l'exclusion», a-t-il renchéri, tout en appelant «les organisations sociales, et notamment l'UGTT, qui a une forte influence dans le pays, à prendre part au prochain gouvernement», car, a-t-il précisé, «le pays a besoin de mettre en oeuvre de nombreuses mesures et il serait souhaitable que toutes les parties y soient associées, notamment les réformes économiques douloureuses, la révision de la politique gouvernementale de compensation, l'amélioration du climat d'investissement et la restructuration des entreprises publiques».

A la question de savoir si Ennahdha a changé après avoir conduit les affaires du pays pendant deux ans, Rached Ghannouchi a répondu: «Nous sommes devenus un mouvement plus réaliste et mieux outillé pour trouver un consensus avec ses adversaires. Nous sommes devenus des parties-prenantes de l'Etat et nous comprenons ses problèmes et ses priorités».

Ces déclarations, qui tranchent avec les anciennes positions des dirigeants islamistes, plutôt condescendantes vis-à-vis de leurs adversaires politiques, ne surprennent plus. Mais elles sucitent des réactions très divergentes.

Certains y voient le fruit d'une autocritique et d'une volonté de retenir les leçons du passé. Les islamistes, confrontés à l'épreuve du pouvoir, ont découvert leurs limites et, surtout, compris qu'ils ne peuvent pas gouverner un pays où plus de la moitié de la population leur est hostile. En recentrant leur positionnement sur l'échiquier politique et en tendant la main à leurs adversaires d'hier, ils cherchent à faire accréditer l'idée qu'ils ont changé et qu'ils n'ont plus envie d'imposer leur modèle de société. Ils veulent aussi montrer un visage plus avenant aux partenaires internationaux de la Tunisie, notamment européens et américains.

D'autres analystes se montrent plus circonspects voire même suspicieux, car ils ont du mal à prendre les déclarations mielleuses de Rached Ghannouchi pour argent comptant. Pour eux, il s'agit d'une posture électoraliste qui n'a d'autre but que de tromper une nouvelle fois les électeurs tunisiens, l'objectif étant la reprise du pouvoir. Et rien d'autre...

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