Caid-Essebsi-Slim-Riahi-Banniere

Dans la querelle qui l'oppose à Nabil Karoui, Slim Riahi préfère faire diversion en s'attaquant à Béji Caïd Essebsi, son adversaire dans la course à Carthage.

Par Marwan Chahla

Le feuilleton Nessma/El-Hiwar Ettounsi serait donc, selon M. Riahi, une attaque en règle orchestrée par Nida Tounes et Béji Caïd Essebsi contre sa propre personne et son parti, l'Union patriotique libre (UPL). «Qu'à cela ne tienne, répond-t-il. Croisons le fer, lui et moi, devant l'opinion publique: programme contre programme, vision contre vision».

La partie de bras-de-fer opposant les chaînes privées Nessma TV et El-Hiwar Ettounsi n'a pas fini de causer des remous qui n'enrichissent d'aucune manière le débat politique sain. Qu'il s'agisse d'une affaire de gros ou de petits sous, d'une grande ou d'une petite manipulation politique, de critiques de haut niveau ou de coups bas, d'un discours politique de haute tenue ou de bas étage..., le public n'y comprend rien ou n'y trouve aucun intérêt.
EttounsiaTV au service du milliardaire

Les échanges d'accusations entre Slim Riahi et Nabil Karoui, patron de NessmaTV, les invectives et les insultes qu'ils se lancent, ces derniers jours, ne résoudront assurément pas la crise économique à laquelle le pays fait face depuis plus de trois ans, le problème du chômage, la menace terroriste et tant d'autres maux.

Invité, samedi 18 octobre 2014, de l'émission ''Labess'' de Naoufel Ouertani, le président de l'UPL a eu tout le loisir, pendant plus d'une quarantaine de minutes, de revenir sur les nombreux différends qui l'opposent à Nabil Karoui, le patron de Nessma TV, de se disculper de toute responsabilité dans le sort fatale de la petite Loujayn, de justifier le report des promesses de lancement de projets dans les régions et de création d'emplois, et de passer à l'offensive.

Tout cela se résumerait, selon M. Riahi, à «cette basse œuvre» de M. Caid Essebsi, de son parti, Nida Tounes, et de Nessma TV. Soutenant ses propos, le président de l'UPL est même allé jusqu'à rappeler que les rapports étroits liant BCE et la chaîne privée remontent au moins à décembre 2011: «Souvenez-vous de l'enregistrement fuité de l'échange qui a eu lieu entre MM. Caid Essebsi et Hamadi Jébali, lors de la passation des pouvoirs. M. Caid Essebsi avait bien demandé à M. Jébali de ''prendre soin'' de Nabil Karoui. Il ne fait aucun doute que ce à quoi nous assistons actuellement est une opération montée de bout en bout par Nida Tounes et Béji Caïd Essebsi. Et la raison de cet acharnement à vouloir porter atteinte à ma réputation est toute simple: ils ont peur de nous (l'UPL, NDLR) et de notre popularité qui n'a cessé de croître. C'est cela le fond du problème».

Et, afin de clore ce chapitre désolant des premières élections libres de l'histoire de la Tunisie, Slim Riahi s'en remet «au bon sens du peuple, auquel je fais entièrement confiance. C'est au peuple, à son jugement et au verdict des urnes de décider qui, de nous ou de nos adversaires, a raison. A mon avis, la manière la plus saine de procéder devrait consister à organiser un débat télévisé entre M. Caid Essebsi et moi-même. Qu'on puisse confronter nos idées, nos visions, nos programmes... Et ce sera à l'opinion publique, aux électeurs et aux bulletins de vote de dire qui de nous deux a raison ou tort, qui est plus apte à diriger le pays». D'ailleurs, au passage, le président de l'UPL a profité pour décocher quelques flèches assassines contre «l'âge très avancé» de M. Caïd Essebsi et «son humour dépassé dont tout le monde a fini par se lasser».

On l'a compris : ne pouvant répondre aux critiques, assez fondées, qui lui sont adressées dans l'émission de NessmaTV, Slim Riahi préfère botter en touche, fait diversion et lance un défi à... Béji Caïd Essebsi qui, parions-le, l'ignorera superbement. En effet, lui répondre serait trop lui faire honneur et donner crédit à un homme d'affaires embourbé dans les méandres politico-médiatiques.

Une bataille de polochons

Ramenons cette polémique à sa juste proportion, à savoir qu'il s'agit d'une bataille de polochons à laquelle se livrent, sous nos yeux, les candidats au palais de Carthage.

Résumons le dernier épisode de cette soap opéra qui nous est servie quotidiennement: samedi soir, Slim Riahi, un milliardaire de 42 ans, qui souhaiterait que sa fortune ait également un sens et un poids politiques et qu'il puisse jouer dans la cour des grosses pointures de l'élection présidentielle, est venu défier le candidat le plus en vue dans cette course, Béji Caïd Essebsi, bientôt 88 ans, un vétéran de la politique... qui a plus d'un tours dans son sac.

L'Instance des élections (isie) et la Haica, instance de régulation audiovisuelle, qui sont normalement supposées veiller à «la bonne tenue des débats», assistent sans mot dire... comme si ces dérapages auxquels nous assistons ne sont pas de leur ressort.

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